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[Terminé] Par delà le Bardo

 
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Chauff
marquis
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Thème: Xm-Halloween (2008)
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MessagePosté le: 11 Juin 20:45    Sujet du message: [Terminé] Par delà le Bardo Répondre en citant

Une silhouette solitaire traverse la plaine, à moitié courbée pour avancer dans la tempète. Vous vous dites sans doute qu'il faut être un peu louftingue pour braver les bourrasques sèches, ou avoir vraiment quelque chose à faire de très, très important.

Vous ne pourriez avoir plus raison.

La forme s'approche, et vous vous apercevez soudainement qu'elle ne porte qu'un slip grossier sans doute taillée dans une peau de loup. Vous pensez certainement alors que cet être doit être très courageux pour sortir par ce temps quasiment à poil, ou qu'il est fort adapté aux conditions les plus extrèmes, ou encore qu'il est vraiment, vraiment taré.

Vous ne pourriez avoir plus tort. Son slip est en peau de cul de troll moulé. Néanmoins, ça n'a pas grande importance. Ou peut être que si. En fait, le narrateur est comme vous, il découvre.

Si vous n'étiez pas directement rentré chez vous pour baffrer une bonne soupe, vous l'auriez vue entrer dans le Temple de la Terre, et auriez immédiatement compris que si le prètre béonide était si pressé, c'était qu'il avait soudain été pris d'une furieuse envie de prier. Vous auriez aussi réalisé que vous aviez été extrèmement avisé de ne pas l'arrèter pour lui demander pourquoi il était habillé marrant, ce qu'il fouttait diable là et surtout pourquoi il n'arrètait pas de se gratter les fesses.

D'un autre côté, on ne va peut être pas trop vous en demander pour l'instant...


Dernière édition par Chauff le 23 Aoû 22:19; édité 1 fois
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MessagePosté le: 12 Juin 16:41    Sujet du message: Répondre en citant

Enfin à l'abri dans le Temple, Chauff, sans même prendre le temps de souffler, dégagea avec brusquerie les quelques visiteurs qui y avaient trouvé refuge. Puis, quand il fut sur d'être bien seul, il commença à psalmodier (d'aucun disent beugler). "Daléhatoucouerpo alegriama Carena, couetoucouerpohes padarléhalégria y cosabouena, daléhatoucouerpo alegriama Carena, Hey Macarena !" tout en esquissant une chorégraphie assez ridicule il faut bien l'avouer, encore que digne d'intérêt quand on a plus de cinq litres dans le sang.

Évidemment, ça n'était pas pour la beauté du geste que le prêtre s'adonnait à cette pratique que certains puritains jugent peu recommandable, surtout quand elle est exécutée, rappelons le, en slip. Comme pour donner raison à ces esprits chagrins, le temps lui même horrifié sembla reculer, avant que Garyth ne daigne ramener ses fesses. Garyth, dont l'attribution principale est relativement peu connue du grand public, mais que le lecteur attentif de la bibliographie du narrateur ne manque pas de connaître (sinon, vous savez ce qu'il vous reste à faire, n'est ce pas) : la musique baroque.

Tout content d'être ainsi appelée, la déité répondit au prêtre par le même beuglement et par les mêmes pas de danse, avant de trucider allègrement les moines démons qui traînaient encore dans le coin. Ne venez pas demander comment les autres cruchons invoquent leurs potes, souvenez vous juste que Thor a tiré le patronat des trucs qui brillent, Diablo les chouquettes en feu et la danse classique, et Ent les vide greniers, et tirez en les conclusions que vous voudrez.

Pendant que Garyth prenait son temps pour éliminer la populace locale, élimination qui passait en particulier par un usage de son gros bâton à grosse boule en des lieux peu ouverts à ce genre de choses, et dans un sens lui même peu conciliant, Chauff piaffait d'impatience. Il faisait les cent pas tandis que son visage s'empourprait. On pouvait voir une veinule palpiter sur sa tempe. Puis, brusquement, il se jeta sur l'autel, s'assit dessus et put enfin soulager sa prodigieuse envie de prier.

Il avait fini depuis cinq bonnes minutes, et les moines élémentaires de la Terre comme le sourire béat qui se dessinait sur son visage témoignaient de la satisfaction du travail bien propre. Néanmoins, quelque chose le tarabustait, quelque chose de pas habituel. Il avait le coup pour se rendre compte que quelque chose ne collait pas avec le fonctionnement normal de l’univers, et justement, là, quelque chose ne collait pas avec le fonctionnement en question.

Ses fesses le démangeaient.


Dernière édition par Chauff le 29 Juil 14:36; édité 1 fois
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MessagePosté le: 13 Juin 23:08    Sujet du message: Répondre en citant

La partie la plus fidèle de notre lectorat connait les relations assez troubles qu'entretient Chauff avec des êtres en tout point remarquables entre tous ceux de la création : les vendeurs représentant produits, et tout particulièrement ceux que la tribu naine d'Erfaz. Il fut un temps fort reculé où, encore jeune et combattant pour la fière nation centaure, il s'était fait refourguer des fers certes révolutionnaires, car amovibles et aptes à fracasser les crânes les plus solides, mais à un prix parfaitement exorbitant. Il en avait gardé une rancune tenace et le douloureux sentiment de s'être "littéralement fait fourrer à l'Ouzbekh", comme il se plaisait parfois à le répéter quand il était tout bourré.

La dernière fois qu'il avait croisé un VRP Erfazien, il avait partant appliqué la bonne vieille technique de la boule de feu dans ta face avant que le nain ait pu commencer à débiter son hypnotique baratin. Le chargement recelait de babioles toutes plus inutiles les unes que les autres, de la curieuse tige flanquée de poils de chamelle à l'une des extrémités, à des feuilles enroulées autour d'un cylindre de bois creux, autant de produits sans intérêt et sans avenir qu'un jeune con finira néanmoins par acheter une petite fortune, avant de déclarer l'index effrontément dressé vers le ciel et en toute mauvaise foi, que c'était "hype de chez hype" à tous ses potes pour éviter qu'ils ne se fouttent de sa gueule. Pour ceux qui se poseraient la question, c'est effectivement du vécu.

Pour la forme, Chauff avait donc fauché le joli slip en peau de cul de troll moulé, que vous le voyez présentement porter. Slip qui lui allait comme un gant et semblait donner une saveur inédite aux cuissots qui y macéraient selon d'immémoriales traditions béonides. Et pourtant, il se trouvait que quelque chose, il ne savait trop quoi, lui turlupinait l'anus, depuis qu'il était sorti de sa sieste avec son envie de prier.

Il se décida enfin à mettre la main dans le cambouis en glissant l'index et le majeur dans son slip. Quelques secondes plus tard, il devait exhumer une curieuse boulette d'un brun soutenu, d'autant plus curieuse qu'elle était minuscule. Un instant, il crut qu'il s'agissait d'un étron au sujet duquel il s'était trouvé étonnamment parcimonieux, avant de se rappeler qu'il ne produisait que de parfaits bronzes bien moulés et non des crottes de lapin comme les conserves, sauf quand il avait abusé de chili et de gnole, qui donnaient lieu à des décharges relativement explosives. Et, aussi, que l'odeur ne collait pas. Non, il s'agissait plutôt d'une sorte de...

De graine ?


Dernière édition par Chauff le 29 Juil 14:35; édité 1 fois
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MessagePosté le: 14 Juin 21:56    Sujet du message: Répondre en citant

"Une grâiñe ? Pourqüõì lés Erfâzìéns µettràîênt-ïls dës gráìñés aû fòñd des slìps ?" Chauff leva un regard inquisiteur sur un moine élémentaire qui se trouvait à proximité. Celui ci ne broncha pas, soit qu'il n'en savait rien, soit qu'il s'en battait les steaks.

"Eñ fåît, ïl n'ÿ â qú'ün sèul µöÿéñ dè lé såvoîr...". Le prêtre portait la minuscule graine à sa bouche, quand, entre le point de départ et son hypothétique destination, il se souvint qu'il ne fallait pas faire comme ça, surtout quand son estomac gargouillait autant. Il fallait renoncer à une dégustation immédiate médiocre pour se péter la panse mais plus tard. En langage béo on appelait ça la tàmböuîllè. Il prit donc un peu de la terre du Temple, et en recouvrit le fruit de son slibard. Puis, sans même y penser, il posa la main dessus et attendit quelques secondes.

En tant que mage élémentaliste qui officiait dans un lieu stimulant, l'Autel de la Terre, il ne fut pas surpris de voir apparaître un arbuste arborant des feuilles en forme de coeur et des grappes de graines. La magie de la Terre n'avait jamais été sa matière forte et contrairement à quelques uns de ses amis alchimistes, il était nul en herboristerie. Sans quoi il aurait alors pu reconnaître un superbe, quoi qu"un peu petit, plant d'Argyreia Nervosa, appelée aussi rose des bois et liane d'argent. Il se serait alors méfié au lieu de cueillir les graines, et aurait franchement évité de commencer à les boulotter, accoudé à l'autel. Au lieu de quoi, appliquant au pied de la lettre le postulat selon lequel tout ce qui est comestible doit être mangé et tout ce qui a l'air d'être mangeable doit être comestible, il commit l'irréparable. D'un mets frugal il fit un festin.

Il digérait tranquillement, tapant le carton à ses élémentaires, quand soudain la tête lui tourna. Ses mains se mettaient à trembler, ses jambes à flageoler. Il sentait son coeur battre à tout rompre, et se demanda furtivement où il allait se retrouver s'il lâchait, avant de partir dans un éclat de rire tragiquement interrompu par une fulgurante douleur dans la mâchoire. Il voulut y porter la main sans y parvenir, tandis qu'il se sentait suer à grosses gouttes. Il s'effondra la tête la première, et ne dut son salut qu'au soutien d'un moine.

Tandis que les moines le descendaient au sous sol du temple, en un lieu que nul combattant n'avait pu voir de manière consciente, et qu'aucun combattant ne verrait sans doute jamais, afin qu'il puisse être en sécurité au lieu de se faire égorger par le premier boiteux venu, il éprouvait la sensation de tomber dans un puits sans fond. Loin, très loin.

Les moines, eux, avaient compris. L'un d'eux, particulièrement vif, avait même tenté de le dissuader d'ingérer les graines, mais le prêtre avait cru qu'il faisait ça juste pour le faire chier, ce qu'il faisait d'ailleurs relativement souvent. Les moines, eux, savaient que la situation était grave.

C'est ici que le narrateur de l'introduction prend un repos bien mérité, et tend la plume à l'un de ses confrères. Tous, ici, l'en remercient.


Dernière édition par Chauff le 29 Juil 14:35; édité 1 fois
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MessagePosté le: 21 Juin 13:39    Sujet du message: Répondre en citant

"Bzzzzz"
"Bzzzzz"
"Euuuuh..."
"Bzzzzz"
"Wahouuuuuu ! Je... je suis !"
Ainsi pensait une drosophile. Enfin, à peu près.
Aux erreurs de traduction près, quoi.


"Je suis... je suis... je suis MOI !"
"Et... et..."
Drosophile qui, était-ce bien étonnant, manquait cruellement de vocabulaire, en dépit d'un système nerveux central particulièrement épatant. Pour une drosophile. Celle ci, élément non individualisé d'un essaim de quelques trois cent vingt deux individus et des poussières, avait émergée de son oeuf quelques minutes plus tôt, et s'était brusquement ouverte à la conscience.
"Et... près de MOI... je suis près de tout plein de... de choses..."
"On va les appeler... des... des mouches ? Ouais, des mouches, c'est bien. Ça sonne bien. A la fois..."
"Elles sont amusantes. Elles ne m'attaquent pas."
"Mais alors... alors je dois être comme eux... sinon je ne serais pas peinarde au milieu d'eux ?"

La drosophile, submergée par un élan de compréhension vertigineux, éprouva l'équivalent mouchesque d'un claquage de neurone. Elle se mit à tourner frénétiquement, convulsivement. Puis elle s'écrasa.

Elle venait de découvrir qu'elle était une mouche, et qu'elle pouvait penser le monde. Qu'il fallait absolument qu'elle prévienne les autres mouches pour leur dire comme c'était sympa. Elle aurait sans doute pu, au prix d'un gigantesque effort évolutif, finir par en déduire la relativité, la guerre, New York ou le cône glacé ananas rhum raisin. Elle l'aurait d'ailleurs sans doute fait si on lui avait laissé, au bas mot, deux ou trois millions d'années.

Il était pourtant écrit qu’elle marquerait l’histoire. Elle ne fit pas tellement la distinction, lorsqu’elle eut achevé sa chute, entre le bruit qu’elle avait fait et le bruit que toute drosophile normalement constituée faisait en se mangeant le sol. Elle ne se fit pas non plus la moindre réflexion sur ce qu’elle était devenue. Elle trouvait juste qu’elle poissait de partout et que l’odeur qui émanait d’elle était étrange. Pour tout dire, elle ne comprit pas qu’elle s’était écrasée sur une pèche trop mure, que la masse gorgée de jus avait précipitée au sol.

« Bzzzzz »
« Tiens, je suis toujours là ? »
Elle entreprit de se lécher une patte, et vit que c’était bon. Rétablissant dieu ne sait comment son équilibre, elle aspira une goutte de liquide, et le trouva même délicieux. Pour tout dire, elle doutait que jamais mouche eut avalé quoi que ce soit d’aussi bon. En cela, elle ne se trompait guère, la plupart de ses congénères étant plus attirée par les déjections de toutes sortes que par les fruits pourris. La drosophile parvint à redécoller sur quelques centimètres avant de retomber, victime de ses ailes abîmées et chargées de jus.

C’était pourtant le signal que l’essaim attendait. Il se rua sur la pèche, et vit que cela était bon. Quant à la malheureuse mouche d’avant-garde, elle périt mi d’épuisement, mi de l’équivalent mouchesque de la noyade et du piétinement. Telle était la vie.

Telle était la vie, oui, la grande majorité de ses sœurs devant se perdre dans un champ de toiles d’araignées quelques secondes après leur festin. Celles qui triompheraient des épreuves jusqu’à se reproduire, les adeptes du fruit pourri, auraient une large descendance, tandis que les autres drosophiles finiraient par s’éteindre. Cela, alors qu’elle connaissait les dernières secondes de son agonie, elle était loin de se l’imaginer (elle qui ne connaissait même pas Darwin) et, de toute façon, elle s’en battait les steaks copieux.

Certains érudits qui se croient brillants brandiront certainement leurs manuels, la source de tous les savoirs, ou leurs livres les plus saints, vous expliqueront que l’histoire de cette drosophile ne vaut en l’espèce pas un pet de lapin, et que jamais drosophile ne pourrait dépasser le stade d’un long et assourdissant « bzzzzz ». Ce sont là des esprits chagrins et nous ignorerons les récriminations de ces binoclards aussi longtemps que possible. Pour leur part, ils n’ont pas fini d’en voir.

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MessagePosté le: 23 Juin 17:07    Sujet du message: Répondre en citant

La horde errait depuis trois semaines à la recherche d'une source de nourriture convenable. Mais chacun des hommes et des femmes, une centaine en tout, qui la composaient aurait pu croire que cela faisait des années. A vrai dire, personne n'avait atteint une capacité de mise en perspective aussi élevée, loin s'en fallait, pour établir ce genre de repère : tous étaient persuadés que lorsque la Grande Lumière tombait, c'était pour ne plus jamais revenir. Tous étaient surpris quand la nuit cédait de nouveau la place au jour, surpris que la Grande Lumière soit revenue, mais plus encore surpris d'être encore en vie. Pour autant, et en dépit de l'absence de la moindre bribe de calendriers, chacun de ces êtres était d'accord : cela faisait bien trop longtemps.

La fatigue commençait à se faire ressentir. Les membres étaient raides. La faim, aussi, qui de son aiguillon tiraillait les estomacs et torturait les âmes. La peur, enfin. Peur de ne pas se réveiller le lendemain, victime de la fatigue, de la faim ou d'un prédateur. La horde était en effet une cible de choix pour les carnivores de tout genre. Ces hommes semblaient cumuler tous les handicaps : une constitution trop faible pour avoir le dessus, pas de défenses naturelles ni de griffes pour attaquer, et une rapidité que ce soit dans les mouvements ou à la course qui laissait à désirer. Certes, en se redressant sur leurs deux pattes arrières, ils pouvaient voir de loin. Mais la nuit...

Ce jour là avait été un jour maudit. Un vieillard d'une vingtaine d'années ne s'était jamais réveillé, même après l'avoir secoué comme on secouait la branche pour faire tomber les fruits. Puis un jeune s'était noyé alors qu'ils avaient traversé une rivière, pourtant calme. La horde ne pouvait se permettre de s'amenuiser de la sorte, ou tous périraient. Et voilà que la Grande Lumière avait été dévorée. Elle ne s'était pas laissée faire, car du ventre de la grande nuit, elle se battait avec ardeur. Elle se projetait à travers la grande nuit avec tant de force qu'elle en touchait le sol, détruisant tout sur son passage.

"Grombot", éructa un homme. Cela pouvait signifier n'importe quoi, qu'on avait fait une foutue connerie en descendant des arbres, qu'on avait fait une sacrée foutue connerie en sortant de l'eau, ou qu'il avait les chocottes à en chier des briques.

Enfin, on discerna un python rocheux au loin. La horde courut s'y mettre à l'abri de l'eau qui tombait et de la lumière qui frappait les arbres pour les détruire. La horde fuyait la nuit et la peur. Enfin, les plus véloces atteignirent l'abri, constatant avec soulagement qu'il était inoccupé. Bientôt, toute la horde les eut rejoint. Il était cependant heureux que nul prédateur n'ait décidé de casser la croûte, tant les plus âgés avaient pris du retard et s'étaient trouvé isolé des autres hommes. Soudain, alors que les derniers arrivaient sous le python, un nouveau trait de la Grande Lumière heurta le sol, tout près de l'endroit où ils se trouvaient. Une femelle, encore exposée quelques instants plus tôt, poussa un long hurlement de terreur.

Un mâle chétif, qui venait d'atteindre l'age adulte, la regardait fixement. Au regard de sa constitution, il était heureux qu'il eut survécu jusque là. La chance avait été avec lui, ainsi que peut être autre chose. Il avait enduré toutes les épreuves sans broncher. Mais il ne pouvait supporter ces cris. Il s'accroupit, et réalisant ce qu'aucun membre de la horde n'avait jamais réalisé, ramassa un caillou.
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MessagePosté le: 25 Juin 0:18    Sujet du message: Répondre en citant

Le Grand Prêtre semblait prisonnier d'un profond sommeil. Le premier médecin béotien venu aurait pu, assez cuistrement, affirmer qu'il était mort et vous balancer ça à la fosse avec les condoléances de la maison. Le corps, après avoir été brûlant, était désormais froid, bien trop froid, même pour un béonide qui n'aurait pas mangé depuis quelques heures - n'allez pas me demander la température corporelle d'un béonide à jeun, personne jusqu'ici n'a eu le courage d'aller mesurer armé de son seul thermomètre anal. Un simulacre de rigidité cadavérique s'était instillé dans ses membres, et le pouls, déjà difficile à mesurer, était extrêmement faible. Seul quelques rares mouvements des yeux pouvaient semer le trouble; encore aurait il fallu que le cuistre en question ose soulever les paupières, ce qu'il n'aurait sans doute pas fait. Seul ces mouvements des yeux et la mystérieuse connaissance qu'ont les moines des Choses rattachaient Chauff à la vie. Mais de toutes manières, nul être de chair n'avait jamais pénétré dans ce caveau consciemment, et encore moins ce toubib qui a trouvé sa palme académique dans une foire foraine.

Cela faisait plusieurs heures, sinon plusieurs jours - les moines, corollaire de leur immersion seulement partielle dans le monde matériel, n'avait qu'une faible notion du temps, et, accessoirement, une encore plus faible notion de la coinche - que les Élémentaires se relayaient pour veiller le corps. Le Prêtre avait ingéré une grande quantité de graines, et nul ne savait quand il se réveillait. Pour autant, et bien que ce ne fut pas l'envie qui manquait, nul n'aurait ajouté "s'il se réveillait". Il se réveillerait, tous en étaient sur, et c'était bien pour cela qu'il fallait veiller le corps. Le caveau recelait certains secrets qu'il fallait mieux tenir éloignés des êtres de chair, fussent ils Grands Prêtres et tout le tsoin Prêtre

Il serait malaisé, même à un narrateur omniscient, de décrire quelles pensées se bousculaient dans l'esprit du moine. Oh ! les spéculations allaient bon train, mais jamais la vérité n'était approchée. Il regardait le corps avec la fixation du charognard qui attend que sa proie, bien plus lourde que lui, expire enfin pour la dernière fois afin de satisfaire son appétit sans risquer d'être victime de l'un des derniers tressauts du mourant. A ceci près que Chauff n'était pas mourrant. Il se redressa avec brusquerie, les yeux écarquillés. D'un bond, l'élémentaire de la terre fut sur lui et lui asséna un violent, quoique calculé, coup de coude sur l'épaule du prètre, qui s'effondra de nouveau. Sa bouche, grande ouverte, ne parvint à pousser aucun son. Le vacarme avait pourtant attiré quelques autres moines, qui se hâtèrent de remonter le béonide, qui se débattait à peine. Ils le déposèrent devant l'autel, à l'endroit même où il s'était affaissé. Tout au long de l'incident, ils avaient soigneusement veillé à ce que le temple reste désert.

Après quelques minutes, Chauff finit par se relever, légèrement sonné et ahuri. Il ne se souvenait pas s'être endormi, et pourtant le ciel s'était assagi. A l'extérieur, le soleil semblait reprendre ses droits. Son sommeil avait été agité, il le sentait bien. Et pourtant, il ne se souvenait pas de ses rêves, il éprouvait juste la sensation qu'ils avaient été curieux.

Esquissant un vague salut à l'adresse des moines, il gagna la sortie et se dirigea vers la montagne, non sans rôtir au passage quelques centaures. Il lui semblait qu'il venait de manger, et pourtant il avait une dalle de raton laveur.


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MessagePosté le: 08 Juil 23:10    Sujet du message: Répondre en citant

Il ne se produisit rien de bien intéressant au cours des cent vingt jours qui suivirent.

Chauff n'avait guère de souvenirs de ce qui était arrivé dans le temple, et à la réflexion c'était sans doute aussi bien. Pendant quelques jours, il s'était étonné de s'être réveillé devant l'autel avec une foutue migraine et la vague sensation d'avoir vécu quelque chose d'important. Il avait finalement attribué cet épisode à un éclair qui l'aurait perfidement foudroyé, et cessa définitivement d'y penser.

Sa vie était alors découpée en moments de méditations, de combat de moins en moins satisfaisants et de festivités, où perçait souvent une pointe de nostalgie. En réalité, tout en lui était nostalgie. Il n'était plus tout jeune - à proprement parler, il faisait même figure de dinosaure, alors que ses aînés disparaissaient les uns après les autres - et même s'il n'en connaissait pas, pas encore, les conséquences physiques ni mentales, il en était arrivé à un stade où il regrettait un age d'or révolu. Non que la période de sa jeunesse eut été un age d'or, loin de là. C'avait été une époque prodigieusement riche, certes, mais déjà en déclin. Mais aujourd'hui, il avait l'impression de voir un monde qui se mourrait. Peut être que tout le monde ressentait ça en vieillissant, se demandant comment l'univers allait bien pouvoir vous survivre avec ce brin d‘orgueil propre aux personnes qui ont tout vu. Ou peut être qu'il y avait un fond de vrai, et que les êtres qui peuplaient ces terres avaient perdu en densité et en matière...

Peut être aussi qu'il méditait trop

Même d'un point de vue spirituel, il se sentait un peu perdu. Il était l'un des prêtres, sinon le prêtre, les plus brillants de sa génération, il avait fondé la cosmogonie gaieenne, et pourtant il doutait désormais. Trop récupérée, trop trahie... tout cela ne se goupillait tout simplement pas avec ce qui aurait du se goupiller.

Les combattants étaient plus efficaces, plus précis, mais étaient devenus des machines à tuer, n'ayant pour seul intérêt que le combat, à condition qu'il soit facile. Des gens sans intérêt - mais pas sans intérêts - bien loin des adversaires de sa jeunesse. Il faisait face aux bassesses et à une indigence chevaleresque grave. Plus de principes, plus de valeurs, et seule cette culture du résultat. Qu'importe le beau mouvement pourvu qu'il fut fatal. Qu'importe le panache pourvu qu'on fut vainqueur. La Montagne faisait figure d'îlot dans un océan de médiocrité et d‘outrage, et encore cet îlot semblait bien précaire.

Même les barbeuks n'avaient plus tout à fait la même saveur. Le vivre ensemble s'était émoussé. Ainsi, ses frères béonides ne furent pas spécialement surpris quand ils virent le prêtre quitter le Grand Feu prématurément pour s'isoler. Ils savaient qu'il était tristesse et mélancolie, car il était trahison, trahison d'un monde, et respectaient ce besoin d'isolement.

Ce qu'ils ignoraient, c'était qu'il venait, sitôt arrivé dans sa grotte et de manière purement impromptue, de se payer un magnifique retour d'acide.


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MessagePosté le: 10 Juil 20:40    Sujet du message: Répondre en citant

- « Sortie de l'aire territoriale dans une minute, Major.
- Parfait, Sergent, parfait. »

Pourtant, le Major T.J. se posait des questions. Ils allaient entrer dans la zone neutre, et la situation devenait préoccupante. Pourquoi l'État Major les envoyaient-ils si loin, lui, son équipage et son vaisseau chargé ? Oh, bien sur, il y avait les exercices. Mais son intuition lui soufflait qu'il se tramait quelque chose. Et, foi de T.J., il croyait en son intuition. Ils étaient désormais dans les bronches, et il n'aimait pas tellement ça. S'il y avait des troupes stationnées, il était rare d'y croiser les bombardiers...

Le conflit s'était enlisé. Les deux puissances se craignaient et avaient choisi la course à l'armement et à la puissance technologique plutôt qu'un affrontement direct et meurtrier. Après ce qu'elles avaient vécu, il s'agissait d'un luxe qu'elles ne pouvaient s'offrir. Il y avait eu quelques conflits indirects, ou chacun des deux grands soutenaient activement un camp, mais, bien que ravageurs - ils avaient tout de même sacrifié un rein, ces esclandres n'avaient jamais engendré l'escalade que tous redoutaient. Et cette escalade portait un nom : l'arme métastasique. On l'avait utilisée lors de la Deuxième Grande Guerre, et on s'en était remis. Mais les enjeux, et les stocks de munition, n'étaient plus les mêmes. Ils pouvaient chacun détruire leur environnement une douzaine de fois.

Dès la fin de la guerre, les deux blocs s'étaient formés. Les Virus, qui combattaient pour la liberté, occupaient tout le sud du territoire, principalement le coeur et le foie, sous la domination de l'United Grippe et de la Communauté des Hépatites. Si les Microbes, eux, avaient pratiquement disparu, les viles Bactéries, Staphylocoques Dorés et leurs satellites, exerçaient un joug de fer sur le système nerveux central. Les deux entités contrôlaient chacun un poumon, et le système respiratoire était, cruellement, coupé en deux.

Si, au Coeur, on avait décidé qu'on allait flanquer une bonne raclée aux Staphyloskofs, ça allait chier.

A un détail près. Ce n'était pas le Coeur qui avait lancé les vaisseaux, mais une base top secrète de la Rate. Ce qui techniquement ne changeait rien, mais concrètement changeait tout.

Le Général Rip, lui, n'avait pas de remords. Il avait ordonné l'attaque sur ces salopards de Dorés, et il aurait bientôt un petit paquet de médailles en plus quand les Loskofs se seraient fait fracasser le derrière, et que le bloc viral aurait récupéré le cerveau sans y perdre une tête de pipe. Une gouttelette d'amignac à la main, il dissertait d'une façon telle qu'un observateur neutre, s'il y en avait un sur ce putain d'organisme, aurait pu situer entre le "gaiement" et le "totalement paranoïaque" :

« Voyez vous, Mandy, je suis résolu à ne pas tolérer l'infiltration bactério, la propagande bactério, la subversion bactério, l'intoxication et le complot bactério qui sapent et qui putréfient tous nos plus précieux fluides corporels » .

Mandy, lui, ne savait trop qu'en penser. Le vieux avait fini par craquer, c'était sur, et si ça se savait... attend, attend mon pote, on a quand même balancé quarante patrouilleurs bourrés de métatstas chez les Loskofs... quand ça se saurait au Coeur, plutôt, on allait passer un sale quart d'heure. Ce foutu Rip nous avait foutu dans un foutu pétrin. Et le voilà qui délirait complètement sur ses fluides corporels, sur le fluor et dieu sait quoi.

Ça n'allait pas du tout.

Le Président de l'United Grippe n'était pas loin de sortir de ses gonds, dans la salle ultrasecrète planquée dans un coin du ventricule gauche. On venait de lui annoncer qu'on était en train de se préparer à mettre une branlée aux Loskofs. A la limite, il aurait pu s'en réjouir, si l'ordre avait émané de lui. A quoi cela pouvait il bien servir de magouiller pendant quarante ans pour avoir accès au code nucléaire si un péquenot de général de mes deux le court circuitait comme un vulgaire Ango ? Il passait un savon à tout l'État Major, même s'il n'entravait toujours que dalle.

- « Général Turgi... Je trouve cela bien compliqué à comprendre. Il m'avait semblé, mais peut être n'était ce qu'une impression, que j'étais la seule personne habilitée à ordonner l'usage de l'arme métastasique...
- C'est exact, monsieur. Vous êtes la seule personne habilitée à le faire. Et bien que je déteste émettre des jugements a priori, il semblerait que le général Rip ait légèrement outrepassé son habilitation...
- Nom d'un bordel à queue... »
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MessagePosté le: 11 Juil 0:22    Sujet du message: Répondre en citant

- « Écoutez moi tous ! Ceci n’est pas un exercice. Je répète, ceci n’est pas un exercice. Dam… Je sais que c’est pas ma spécialité de faire des speechs, d’autant que ça devrait être le président de l’United Grippe à ma place… Mais tout ce que je peux vous dire, c’est que ça doit sacrément dérouiller au pays. Y a du grabuge, c’est certain. Ça vous noue les tripes, et vous ne seriez pas des Virus si ça ne vous faisait pas quelque chose, cette nom de dieu de guerre tumorale. Mais souvenez vous bien d’une chose, d’une. Là bas, au Cœur, on compte sur nous. On compte sur vous. Et on va pas les décevoir. Et j’vous l’dit…
- Médjo, Médjo !
- Et j’vous l’dit…
- Médjo, macrophage loskof à une minute et dix huit secondes !
- Ouate !?
- Macro loskof à une minute et seize secondes !
- La DCA… les salauds, on nous canarde ! Tous à vos postes ! Ça serait peut être une bonne idée de faire péter les kits de survie tant qu’il en est encore temps…
- Une minute et huit secondes.
- Un leuco T et deux paquets d’anticorps, quatre jours de ration concentrée, anti-antibiotiques, aminases vitaminées, aminases excitantes, aminases tranquillisantes, aminases somnifères, une Virable, cent biftons en viral, cent biftons en bactério, neuf boites d’aminase à mâcher, trois capotes… Bordel, on aurait pu se payer un sacré week end à FouaDallas si on avait pas eu un macro au cul…
- Impact dans cinq secondes. Priez, mes frères.
- …
- …
- …
- ça fait bien cinq, là…
- euh…
- Là oui, Médjo, l’salaud de macro nous a loupé !
- Yippie ! Allons fouttre la pâtée aux Loskofs ! »


Mandy avait passé le simple stade du complètement détruit psychologiquement pour atteindre celui, plus grave, nettement plus grave, du franchement complètement détruit psychologiquement. Le vieux avait fondu un fusible et déclaré unilatéralement la guerre aux bactéries, canardé un bon paquets de mecs à nous en les prenant, dans son délire de paranoïaque paranoïde pour des Loskofs, déblatéré des conneries sur le fluor avant de se faire métaboliser le ciboulot dans le cytochrome. Naturellement, l’autre merdeux avait ramené son derche au moment précis où il avait découvert le code d’annulation. Facile, au demeurant, même pour un demeuré. OPA, n’importe quel gnome de la City aurait deviné.

Cela faisait cinq bonnes minutes qu’il l’empêchait de téléphoner au président des Grippes Unies, il était à court de pièces, on n’avait pas pris son appel en PCV, au Cœur, et le Merdeux refusait obstinément d’utiliser son fusil mitrailleur dans le bon sens pour lui faire un peu de monnaie, en dézinguant une boulette de Nesquick.

« Ceci est une propriété privée. Ok, je vais vous faire de la monnaie. Mais je peux vous dire que si par malheur vous n’avez pas le Président des Grippes Unies au téléphones, vous savez ce qui va vous arriver ?!! Vous le savez ? C’est vous, vous, qui allez avoir à rendre des comptes à Monsieur Groquick ! »
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MessagePosté le: 14 Juil 0:50    Sujet du message: Répondre en citant

- « Gentlemen, you can’t fight in here ! This is the war room ! »
On venait d’introduire l’ambassadeur Bactérien dans la Grande Salle du Conseil, et, immanquablement, il avait commencé à se fritter avec une partie de l’État major, qui voyait d‘un mauvais œil le fait qu‘on laisse entrer dans cette maison un espion Loskof… quelques heures plus tard, l’avenir leur donnerait raison quand l’ambassadeur quitterait la salle en emportant quelques clichés, et encore plus de petits fours aminasés.
« Monsieur l’ambassadeur… si je vous ai convoqué, c’est parce que nous avons un petit problème… nous avons envoyé un régiment de bombardiers sur votre territoire avec pour ordre de tout casser… et en réalité, il s’agirait d’une fausse manip… Il semblerait que nous devrions utiliser le nerf rouge»

« Allo ? Allo Basile ? Euh… Basile ? Oui, Basile, Est-ce que tu pourrais baisser un peu la musique je t’entends mal… oui, merci Basile, c’est bien mieux maintenant, oui, je t’entends très bien. Toi aussi, tu m’entends très bien ? Et bien, c’est parfait Basile, nous nous entendons très bien tous les deux alors. Tu vas bien, Basile ? Oui, moi aussi, je vais bien, Basile. Oui, nous allons tous les deux bien… Oui, c’est bien qu’on aille bien. Bien, Basile… tu sais qu’on avait évoqué l’éventualité que quelque chose tourne mal avec la bombe… La BOMBE, Basile, la bombe métastatique ! Et bien, vois tu, un de nos généraux est devenu un peu… marrant dans sa tète… Oui… Juste un peu…marrant. Et il a fait une petite gaffe…oh, une toute petite gaffe. Et bien, je vais te dire ce qu’il a fait, Basile… il a ordonné à nos bombardiers de détruire le système nerveux central. Laisse moi finir, Basile, laisse moi… Mais moi aussi, ça me retourne ! Tu crois que j’appelle juste pour dire salut ? Mais oui, j’aime beaucoup te dire salut. J’appelle juste pour prévenir… oui, vous avez une heure pour fouttre ces vaisseaux en l’air. »

Quelques instants plus tard, tout le monde fut soulagé d’apprendre que l’on avait détruit certains vaisseaux, et que les autres avaient pu être rappelés.

Seulement, un point bougeait encore sur l’écran stratégique, et se dirigeait tout droit vers l’encéphale…

« Voilà qui est fâcheux, dit soudainement l’ambassadeur Loskof… il ne manquerait plus que cela déclenche notre Machine du Jugement Dernier…
- …
- …
- … ?
- Oui… si une seule de ces bombes nous atteint, toute forme de vie dans cet organisme sera détruit… Le poumon gauche sera envahi par des centaines de volutes de fuméegénérées par des tumeurs rapides, qui se propageront aussi sec dans votre poumon… en paralysant le fonctionnement. Ce sera… La Mort !
- Docteur Patate Unefouê… dites moi qu’il nous baratine… »

Le président venait de s’adresser à un virus en retrait. Ou plus exactement, à un microbe passé dans le camp des vainqueurs après la grande guerre, offrant le fruit de son cerveau dérangé en échange de la vie. Il avait néanmoins été sacrément diminué, devant porter des prothèses qui passaient leur temps à le tripotter. Il jouait le rôle majeur de conseiller scientifique du président, et par souci de simplification comme d‘oubli du passé, tout le monde, lui le premier, avait traduit son nom en Docteur Patate. Il n’en était pas moins une pointure.

« Et bien… la technologie requise est très accessible une fois, pour peu que l’on possède une arme métastatique, aisément copiée une nonantaine de fois. En réalité, ça n’est pas la technologie qui pose problème, une fois, mais la volonté de l’utiliser.
- (bas) Wow… ça serait le pied si on avait ce genre de machine du jugement dernier !
- Pour autant, Monsieur l’Ambassadeur, si vous me permettez, tout l’intérêt de la Machine du Jugement dernier est perdu… si vous le gardez secret !! Pourquoi n’en avez-vous pas parlé, triple andouille, une fois ?
-- Nous devions l’annoncer au Congrès du Parti ce lundi… Le Premier Secrétaire Basile d’Ekok adore les surprises… »

Quelques instants plus tard, il avait été décidé, à l’instigation du Docteur Patate, que tous les virus présents dans cette salle se démerderaient pour d’éjecter en lousedé pour trouver un autre organisme à parasiter, le temps de se refaire, et qu’ils emmèneraient tout plein de rhybozomes bien gaulés avec eux.

Loin de là, le vaisseau survivant, dépourvu de contact extérieur et qui perdait son oxygène à une grande vitesse s’était rabattu sur une cible secondaire de l’hypophyse.

Yiiiiiiiiiiiiiiiii haaaaaaaaaaaaa !!!!!!!!!

Au même moment dans la salle du Conseil, quelqu’un recevait une tarte à la crème dans la figure tandis que quelqu’un d’autre pouvait de nouveau marcher.

We’ll meet again passait à la radio.
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MessagePosté le: 18 Juil 23:38    Sujet du message: Répondre en citant

La masse du béonide couvrait totalement la porte qui se tenait devant lui. Il était déjà venu ici. Cette petite porte qui l’obligerait à se baisser s’il voulait la passer…l’avait-il déjà franchie ? De cela, par contre, il ne se souvenait plus. La pièce dans laquelle il se trouvait était totalement sombre, et pourtant il n’avait aucun problème pour voir la porte de bois, basse, manifestement lourde et richement décorée. C’était un bois visiblement tellement noueux qu’il paraissait miraculeux qu’on eut pu en tirer quoi que ce soit de droit. En direct live et dans un autre espace temps, un autre philosophe se ferait une petite réputation en disant à peu près la même chose. En réalité, seul l’enchevêtrement extrême des branches permettait de bloquer le passage, et ce que Chauff avait pris pour un ornement était bien naturel.

Il était déjà venu ici, et il était entré. Il s’en souvenait, maintenant, comme si sa mémoire avait subitement développé une quantité de récepteurs phénoménale. Il était entré, et…
En fait, non. Il ne se souvenait plus de la manière dont il s’y était pris pour rentrer. Pas comme un manche, en tout cas. Il n’avait pas commis l’erreur de balancer une boule de feu dans le tas, ni d’invoquer des termites tueuses, ou tout ce genre de choses qu’on a tendance à faire quand on est jeune - ou pire, étudiant - et qu’on veut faire le mariole comme un bourrin. Non seulement ses années d’études, dont une partie, la plus intéressante sans doute, s’était déroulée au côté des Initiés, ses années d’études étaient loin, mais en plus il n’y avait aucune nana à impressionner dans le coin. Inconsciemment, il se doutait aussi que si cette porte était si solidement fermée, c’était peut être bien davantage pour empêcher la sortie que l’entrée. Ce qui pouvait bien se trouver derrière…

Il se contenta donc d’attendre. Il avait une légère migraine, diffuse mais tenace, depuis qu’il avait repris conscience. Mais pas faim. Il se souvenait vaguement qu’il venait de sortir d’un barbeuks. Ce qui expliquait sans doute la bonne tenue de son estomac, mais moins son mal de crâne. Si on lui avait présenté les faits comme on les présente au lecteur, il y aurait sans doute vu plus clair… Comme le lecteur avisé, il serait aussi allé voir du côté des chroniques de son jeune temps, mais il n’a pas non plus les moyens modernes.

Résumons : oh, et puis non, une autre fois. La porte vient de s’ouvrir, ou plutôt un étroit passage s’est dégagé dans les racines, et le prêtre est en train de s’y engager, courbé. On résumera plus tard, à un moment où il ne se passe rien, si vous le voulez bien.

Et tout ça pour quoi ? Pour tomber nez à nez avec le même obstacle. Pour autant, Chauff qui est tout de même à peu près un érudit (ou tout au moins, pas un bozon con comme un balai...) comprit assez vite qu’il était dans un sas, qu’il fallait pas tout latter à coup de boules de feu, qu’il fallait pas lancer de sorts à la con, et que ça allait s’ouvrir tout seul dès que le passage derrière lui serait refermé.

A ce moment précis, il sut ce qui l’attendait de l’autre côté. Il était déjà venu ici, après avoir baffré ces curieuses graines et fait un black out digne des pires beuveries dans le temple. Devant lui, des centaines de sphères d’un bleu translucide flottait dans un air qui semblait épais. Lors de sa précédente venue, il en avait observé deux, et les avait trouvées assez incohérentes. Dans la première s’étalait la fugace vie d’une mouche, dans l’autre des bribes de celle d’un pré humain.

L’une des bulles, si fragiles et pourtant qui demandaient un confinement étonnant, s’approcha du Prêtre.

Il se plongea tout entier dedans…


Dernière édition par Chauff le 29 Juil 14:34; édité 1 fois
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MessagePosté le: 19 Juil 21:09    Sujet du message: Répondre en citant

.



      Jack étant intermittent
      L’eut bien dans l’cul
      Quand il fut mis au chomdu.
      Bien triste était son menu :
      Tous les jours des pâtes au beurre
      Sans beurre.
      Il alla rendre visite
      Chez son ami le banquier
      Pour solliciter un prêt.
      « facturez vos commissions,
      Faites péter vos agios,
      Je vous paierez au temps chaud. »
      « Loyer, gaz et fiche de paie,
      Pas de fric pour les branleurs,
      Pas de place pour les artistes »,
      Et de mettre un disque bien triste,
      Une douille d’Halliday.
      Quand on est une mal-baisée
      Aigre, moche et bien usée,
      Ne soyons pas indécent,
      Et rendons un peu aux Grands,
      Ceux qui nous offrent plus que leur sang.




.
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MessagePosté le: 21 Aoû 18:20    Sujet du message: Répondre en citant

- « On dirait que ça te plait… »
Ces quelques mots, cette voix grave, presque rauque, ramenèrent brutalement Chauff à la réalité. Il la connaissait, il l’avait déjà entendue. Mais de là à y associer un visage...
- « Soit le bienvenue chez toi…
- Grom. Qui est-ce qui cause ? Et dans quel bordel est-ce que je me trouve ?
- Oh ! Pour répondre à tes interrogations, je suis un vieil ennemi qui te veux du bien. Et ce bordel, comme tu dis, est à la fois ta possession et ma demeure… »

Le Prêtre observa de nouveau le décor dans lequel il évoluait. Il semblait se trouver dans une large caverne. Les bulles bleues qui contenaient des histoires se mouvaient en suspension, et malgré leur apparente fragilité, elles rebondissaient sans dommage quand elles se heurtaient ou venaient frapper les parois. C’étaient sans doute ces bulles qui étaient à la fois protégées et retenues captives par le sas qu’il avait traversé.

- « J’aurais pensé que tu reconnaîtrais cet endroit au premier coup d’œil. Même s’il est vrai que les choses les plus proches sont parfois les plus obscures, n’est-ce pas ? ». Voyant que Chauff ne répondait rien et semblait perdu au fond de lui-même, la voix reprit : « Tu es dans ton cerveau, espèce d’andouille. Dans ton cerveau ! Où tu te croyais, chez les elfettes d'Ib’iza ? Tocard ! Dans une des parties les plus dissimulées et les plus profondes de ton cerveau, dans la zone la mieux protégée de ton subconscient ! Ce sont ces graines, ces psychotropes que tu as miraculeusement ingérées, qui t’ont amenées près de moi. Et c’est maintenant moi qui ai le pouvoir de t’appeler ici, ton moi conscient, dans ton inconscience ! »

Pendant cette tirade, Chauff se remémorait. La voix lui revenait. Et au fur et à mesure qu’il se souvenait, la voix semblait devenir plus forte, plus réelle, plus palpable presque.

- « Nessos… » La silhouette commençait à se dessiner, à prendre forme devant lui.
- « Hé bien ! On peut dire que tu es long à la détente, toto !
- Je me souviens, maintenant, tu t’étais fondu en moi par la ruse, quand j’avais passé ce vêtement. Je n’étais qu’un jeune centaure, à cette époque. Tu avais envahi mon cerveau, tu avais envahi mon sang. Mon sang qui était devenu toxique, mes yeux qui jetaient la foudre, mon âme… tu avais corrompu mon âme.
- Continue. Tu es un élève buté mais intéressant… Tu me rappelles vaguement le premier corps dans lequel j’avais survécu… un chic type, lui aussi.
- Sauf que je t’avais vaincu. J’avais refusé de partagé mon esprit avec toi. J’avais refusé de te porter. J’avais… » Une soudaine pâleur se dessina sur le visage du prêtre. Celle de la compréhension. « J’avais remporté l’épreuve mentale. J’étais parvenu à te refouler dans les tréfonds de ma conscience. A t’oublier.
- Les tréfonds de ta conscience. Nous y sommes. Dans une circonvolution tellement dissimulée que seule une drogue puissante pouvait t’y amener. Tu semblais perplexe devant les vies que tu voyais. Ces vies, brillantes ou insignifiantes, toutes abritées dans ces bulles, ces vies dont ton subconscient garde la mémoire. Ces vies, imbécile, ces vies, ce sont les tiennes ! »
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MessagePosté le: 21 Aoû 20:25    Sujet du message: Répondre en citant

La révélation frappa Chauff de stupeur. Non seulement parce que l’annonce de la véracité de la théorie de la réincarnation était un pas sans précédent, mais encore parce qu’il découvrait que ces vies étaient stockées dans l’inconscient de l’être, et qu’elles constituaient en quelques sortes une conscience globale, l’expérience de cent, de mille vies ! Pour autant, celles-ci semblaient peu accessibles, et la plupart n’étaient que des épisodes d’anonymes, parmi des anonymes. Comme ci chaque vie pouvait être celle d’un prince, d’un puissant, ou d’un prédateur hors du commun... Il avait été une mouche, un gueux, une brute des premiers temps, parfois seulement la fortune lui avait souri. Mais chaque vie avait valu la peine d’être vécue, peut être pour un instant, peut être pour son apport au monde, peut être pour la connaissance acquise. Peut être pour soi et en soi.

- « Je te trouve bien songeur, Toto. Ça l’air de percuter, là dedans, finalement. J’espère que tu vois ce que je t’apporte, quels progrès faramineux tu ferais avec moi. Qui tu serais si tu ne m’avais pas refoulé dans ce coin paumé de ton crâne, dans le trou d’cul de ton encéphale. Ah, comme si je chômais. Un esprit tel que le mien ! Moi, Nessos ! »
La créature avait désormais une forme floue, vaporeuse et mouvante. Elle se rapprochait du prêtre, qui se trouvait toujours quasiment pétrifié, sous le charme de la voix, et sous l’emprise des immenses découvertes qui lui étaient révélées.

« Tu en veux plus, je vais t’en donner plus ! Je vais t’en mettre plein les mirettes, mon coco, tu vas voir ça, tu vas rester scotché à tel point que ta mâchoire va en tomber par terre (à ce moment là, Chauff perdit un peu le fil dans le discours de Nessos, en songeant que définitivement, tous ceux qui avaient un bagout à faire de la vente itinérante ne pouvaient qu’être fondamentalement mauvais, et que toute la malfaisante confrérie s’était manifestement coalisée pour le faire chier). Allez, suis moi ! »

Avec une curieuse sensation d’être un peu dans les vapes, et qu’une volonté supérieure à la sienne le dirigeait, cruelle ironie dans son propre cerveau, Chauff emboîta le pas de son hôte. Ils se dirigeaient vers un recoin de la grotte ou se constituait sous ses yeux une sphère conforme aux autres, à ceci près qu’elle était encore d’apparence fragile, mais surtout d’une curieuse couleur verdâtre.

« Tadam, Toto, ta vie ! »

J’y revoyais mon arrivée sur ces terres, sur ce champ de bataille où j’avais jusqu’ici consacré ma vie. Mon accueil au PMU, chez ce peuple alors brave, affable et bienveillant. Je revoyais aussi ma formation à la Magie dans l’École des Initiés. Des premiers professeurs, Stoikoff, Jol la folle, Einrich et Grimmlink, et même la première remplacente Tigerelune, tous nous avaient depuis longtemps quitté. J’y avais appris à maîtriser la magie élémentaire, et donc à appréhender le fonctionnement du monde et les interactions entre les éléments. Je revoyais la tronche que tirait Eti après ma thèse sur l’Eau. Puis mon maître Stoikoff m’avait enjoint, comme quête finale, d’intégrer le Contre Pacte des Loups où j’avais posé les bases de la cosmogonie Gaiienne avant de quitter les hommes pour rejoindre les centaures qui venaient de prendre les armes. Peu de temps après, j’embrassai la carrière de prêtre et pratiquai cet art au plus haut niveau. Je fondai, avec Stoikoff et Tigerelune l’organisation d’If qui devait prendre le relais de l’École de Magie mais qui n’avait jamais atteint véritablement ses objectifs, loin de là. Puis venait une douce époque au sein de la Grande Nation Centaure, ainsi que mon voyage chez les Nains, qui avait occupée une grande part de ma vie. Certains combattants, dont moi, avaient fini par quitter leur peuple pour monter une troupe chaotique aux résultats aléatoires. J’y avais néanmoins trouvé la volonté de rejoindre la montagne, où je me trouvais bien parmi les miens.

Tandis que les hauts faits de ma vie, les exploits, les harangues, les succès mais aussi les nobles entreprises finalement peu fructueuses défilaient dans mon esprit, j’éprouvais un curieux sentiment de plénitude, de satisfaction. Et dire que l’histoire était encore en marche, malgré l’age qui venait…

Comme si, aussi, je me trouvais à un tournant, à un nœud, et que le futur qui résulterait de ma confrontation avec Nessos devait se trouver une nouvelle ère.
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MessagePosté le: 22 Aoû 20:23    Sujet du message: Répondre en citant

« Et ouais, c’est ta petite vie. Allez, avoue, ça fait plaisir d’être ici… Sans moi, jamais tu n’aurais vu tout ça…
- Sans toi et sans ces graines…
- Tout était prévu, Toto. Tu croyais vraiment que j’allais me laisser croupir ici jusqu’à ce que tu casses ta pipe ? Je vaux tout de même un peu plus que ça. D’ailleurs, j’ai eu du temps, ici. Et je peux te le dire en face : c’est vrai, j' étais égoïste, dépourvu de toute humanité, inattentif aux autres, dur, brutal… mais j’ai changé ! C’est ça, la rupture…
- Et je suis censé croire ces salades ?
- Tu fais ce que tu veux, Toto, c’est un cerveau libre, après tout. Sauf que j’ai quelque chose à te proposer, quelque chose que tu auras du mal à refuser. La connaissance. Pense à tout ce que j’ai appris, pense à tout ce que je sais. Oh, les méthodes n’ont pas toujours été honnêtes c’est vrai, et j’ai parasité plus que de raison. Mais songe à tout ce que je pourrais t’apporter… songe à ce que tu pourrais apprendre sur toi et sur le monde… Songe à la connaissance et à la puissance…tout ce que je te demande, c’est de sortir de cette zone, d’avoir mon petit coin à moi dans une partie plus active de ton crâne…
- Laisse moi réfléchir : Va crever, toi et tes paroles enjôleuses. Je me casse.
- Une minute, mon garçon, une minute. Ici, c’est moi qui tiens les ficelles. Je t’ai fait rentrer, tu peux peut être, au prix d’un grand effort de volonté, sortir. Mais je pourrais toujours te rappeler à loisir. Alors à quoi… »

La boule de feu était passée juste au dessus de la tête de Nessos, avant de faire demie tour. Au retour, l’ombre était parvenue à esquiver l’attaque, tandis que la boule était réintégrée par le Prêtre.

« Ah, et moi qui te prenais pour une vraie cruche… Tu as au moins compris que tu n’avais pas franchement intérêt à saccager ton cerveau… mais tu es limité. Et puisque tu veux combattre, et bien combattons. Tu ne vas pas voler ta sortie d’ici, c’est moi qui te le dis ». Nessos évita une nuée de dards de glace, qui explosèrent derrière lui sans faire de dégâts. « D’ailleurs, toi qui m’as l’air d’être un gros malin, tu as du remarquer que la sphère que je t’ai montrée débutait avec ton arrivée ici, avec tes 21 ans…
- Ça m’a frappé, effectivement. Et… ?
- Et bien rien » Il évita cette fois ci une flamme longue. « La bulle démarrait au jour de ta naissance, un point c’est tout.
- Je suis né en Arcadie bien avant d’être impliqué dans ces guerres. Sur un autre plan, où la paix était la règle. J’ai vécu une enfance heureuse avec mon maître Pangromm, dans le Domaine. Et de tout ça, de mes jeux, de mes cours, je me souviens.
- Continue. Ça a l’air intéressant, ce que tu me racontes…
- C’est ma vie. C’est toi qui l’as dissimulée !
- Oh, non. Tu es mort, Toto, mort et enterré. Cette vie s’est achevée, assez tragiquement j’en conviens, le jour de tes 21 ans. Tu as en mémoire cette course à cheval, à travers les bois. Tu avais chuté, et perdu conscience. Tu pensais alors avoir été appelé par un dieu sur ce plan. Tu étais mort, l’ami.
- Mensonge ! Tu manipules encore la vérité pour me troubler ! » Une nouvelle volée éclata, et fut esquivée comme les précédentes.
- « Tout est dans les bulles. Et crois le ou non, personne ne peut modifier ces bulles, personne ne peux les forcer sans les détruire. Et j’ai eu tout loisir de les contempler. C’est celle là. » Chauff jeta un bref coup d’œil, avant de pâlir.
- « Et pourtant, j’en étais revenu ! J’avais écrit à Pangromm, il m’avait répondu !
- Conneries. De la merde, oui. Une plaisanterie du sous dieu en lequel tu croyais à l’époque. Une nouvelle vie a démarré quand tu as mis les pieds sur ce plan. C’est un plan bien spécial, c’est vrai. Un passage. Jamais, au cours de tes prochaines vies, tu ne reviendra sur les plans bleus. Par contre, il n’est pas dit que tu passes beaucoup d’existences ici. La vie y est tellement longue… »

Cette fois ci, l’éclair lancé par Chauff frappa Nessos de plein fouet. Il s’attendait à en retrouver un petit tas de cendre fumant, et une légère odeur de roussi caractéristique de ces attaques portées avec rage et violence. Pourtant, alors que la fumée se dissipait, le prêtre ressentit une douleur entre les omoplates, qui devint progressivement plus vive. L’odieux personnage se tenait droit devant lui. Il n’avait positivement pas été affecté par la foudre, comme si une armure bénie l’en avait protégée. Soudain, le souffle manqua à Chauff tandis que le sang battait à ses tempes. Nessos souriait largement.

« Mentalisme, dit-il dans un souffle, tandis qu‘il s‘approchait. Mentalisme de base, et, tu le vois, cela ne me demande pas beaucoup de concentration. A vrai dire, quand on maîtrise le truc, c’est fouttrement simple. Et encore, tu n’as la démonstration que du modèle de base. Tu peux encore bouger, tu dois juste sentir que tu respires…moins bien. C’est cela. Moins bien. »

Nessos lâcha son enchantement maléfique, laissant Chauff s’effondrer à ses pieds. Son visage s’était empourpré, pendant quelques secondes il avait senti que ce pouvait être sa fin. « Vois ce que je peux t’apprendre ! Ton élémentalisme , c’est bien contre des tocards, mais c’est has been. A peine de quoi frimer dans les écoles. Tandis que le mentalisme… que ? » Il porta tout d’un coup l’attention sur le prêtre qui gisait à ses pieds. celui-ci arborait désormais un large sourire. Profitant de la distraction de son adversaire, il avait trempé son poignard de poche dans un flacon de sérizède, un poison mortel, avant d’égratigner Nessos au mollet. « Il te reste moins d’une minute, l’ami »

Ce qu’il vit le stupéfia. Nessos se redressa et se fendit d’un grand éclat de rire, avant de disparaître.

« Bien joué ! Touché, pan ! t'es mort». La voix dans sa tète lui fit l’effet d’une bombe. « Mais sérieusement, comment as-tu pu être assez naïf ? Tu as tout gobé ! Oh, il y avait du vrai… mais de là à avaler certaines sornettes. Comment as-tu pu croire que tu pouvais me détruire ? Tu as seulement détruit ce qui me retenait dans cette prison. D’ailleurs, c’est pour cela que je suis désormais vraiment dans ta caboche. Tu m’as sorti de ce trou miteux de ton inconscient où tu m’avais enfermé pour me rétablir de plein droit dans ta conscience. Et quelque chose me dit que nous allons faire de grandes choses ensemble, désormais… »
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Chauff
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MessagePosté le: 23 Aoû 16:37    Sujet du message: Répondre en citant

Chauff, le rugueux béonide, volait au dessus d’ un paysage dévasté. Devant lui et au dessus de lui, le ciel grisâtre semblait se convulser, comme s’il connaissait les affres de l’agonie. Sous lui, un torrent sombre et sinueux semblait s’écouler lentement. Très lentement. Si la vue de Chauff avait été perçante, plus jeune, les longues heures passées dans d’obscures bibliothèques, ou replié sur lui-même en méditation avancée étaient responsables d’une ébauche de myopie qu’il n’avait jamais jugé nécessaire de corriger. A vrai dire, cela faisait longtemps qu’il savait détecter l’ennemi à l’odeur. Pour autant, de là où il était placé, il ne pouvait guère analyser la situation du sol.

« Pour une fois, j’ai tenu ma promesse. Oh ! C’est tout à mon intérêt, je te le concède, mais le fait est assez notable pour être signalé, n’est-ce pas ? Je t’avais promis la connaissance, la voila. Bienvenue (la voix se fit chuchotante dans l’esprit du béonide) dans le royaume des morts. Hey ! N’est pas peur, ce n’est qu’une représentation, un rêve éveillé. Ils ne vont pas te sauter à la gorge ! En plus, tu es trop haut. »

La descente s’amorça, sans à-coups, presque avec délicatesse. Au bout de quelques secondes, Chauff put voir que ce qu’il avait d’abord considéré comme un fleuve était en fait la foule des morts. Vu comme cette dernière affirmation peut faire figure de lieu commun, la seule déduction possible est qu’il existe sans doute un marché pour les opticiens de l’autre monde.

La multitude des morts avançait nue, l’air hagard, le choc du décès ayant rejeté toute éventuelle concupiscence, à l’exception de quelques vieillards à l’œil lubrique, préparés sans doute depuis longtemps à l’idée de leur décès, et qui n’avaient de toutes manières plus le matériel pour… La multitude des morts avançait donc, lentement, et comme tout esprit religieux qui se respecte, Chauff ne pouvait que se douter qu’ils étaient là pour être jugés, et si ce qu’il avait vu dans son cerveau s’avérait vrai pour recevoir une nouvelle vie. Il ne faisait plus aucun doute qu’il se trouvait dans le Bardo.

« Au fait, Toto - Nessos avait décidément le chic pour emmerder le monde - y a pas une question qui t’as trotté dans le ciboulot, l’autre fois ? T’as pas remarqué que les vies que tu as vues n’ étaient pas sous-titrées ?
- Là, tu m’as lâché…
- Comment est-ce que tu as pu te reconnaître…
- Bon dieu ! Tu veux dire que… c’est vrai, ça. Qui étais-je ? Étais-je la mouche qui tombe ou l’une de l’essaim ? Étais je le bipède qui allait violer et tuer cette femme avant de prendre le pouvoir sur la horde, ou sa malheureuse victime ? Dans la guerre des germes, quel rôle jouais-je ? Ça m’avait paru évident, sur le coup… Réponds-moi, merde !
- J’en sais fouttrement rien, mon pote, c’était juste pour soulever la question. D’ailleurs, nous arrivons de celle qui juge… Tu vas voir, ça va te plaire.»

Le Juge, celui qui présidait à la destinée de toutes les créatures vivantes, au choix de leur nouvelle vie, ce Juge était une enfant. Une petite fille, qui ne devait pas avoir plus de cinq ans, et qui zozotait encore sûrement un peu. Elle défilait dans les rangs, lançant ce qui semblait être une balle, et les âmes rejoignaient leur futur corps. En s’approchant davantage, Chauff vit que ce n’était pas une balle que la fillette tenait à la main, mais plutôt un dé au nombre de faces positivement gigantesque.

« Ça t’en bouche un coin, non ? Vois qui pèse les âmes : une enfant qui joue au dé ; le hasard »

La révélation avait en effet de quoi surprendre. Le prêtre connaissait la plupart des mythologies de la mort, et chaque fois l’âme était en effet évaluée avant de rejoindre un paradis, d’être damnée ou, lorsque la réincarnation était admise, de retrouver un corps en fonction de sa vie précédente. Que le hasard fut seul juge était une situation bien dérangeante. Cela devait signifier que, dans toutes ses vies passées, la responsabilité des actions ne se retrouvait pas au moment de la mort. Chauff pouvait largement imaginer qu’il était inconcevable qu’un mortel des plans inférieurs eut accès à ces informations : quelle crainte de la mort si la note est effacée à chaque passage ? Ainsi donc, l’accession de Chauff à un plan supérieur, celui des sphères verdâtres, n’était pas le fruit d’un long cheminement de son âme mais seulement d’un coup de dé. Dès lors, la question soulevée par Nessos n’avait plus aucun sens : quelle importance qu’il eut été noble ou méchant, bourreau ou victime, dans ses vies inférieures ? Seule la Fortune allait faire de lui, dans sa vie suivante, un moucheron, un bloc de grès, ou un noble vivant dans l’abondance. A vrai dire… le fonctionnement lui-même de l'existence avait il encore un sens ?
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MessagePosté le: 23 Aoû 19:18    Sujet du message: Répondre en citant

« Ramène toi, on s’arrache. »

Le décor changeait légèrement, s’enroulait sur lui-même comme une prodigieuse spirale, tandis que les fissures du ciel éclatait et que les éléments se diluaient les uns dans les autres. Progressivement, Chauff se retrouva dans une obscurité totale.

« Bon. Le royaume des morts, c’est fait. Si je te parlais un peu de Gaia, maintenant, ça te dirait ?
- Je… eum… oui… »
- Ça roule, ma poule ! Alors, un petit feed back sur ce que tu sais, Toto ! Au départ de ce putain de merdier galactique étaient les Quatre, c’est ce que t’as raconté dans ta chiure de manuscrit des Quatre Autels. Impec, au passage, j’ai rigolé comme un goret. Les Quatre, c’est Gaia, et cette truffe de Gaia… »

Oh la, oh la, oh la. Stop ! La théologie, c'est du sérieux, donc si tu le veux bien, Nessos, c’est moi, le Narrateur, qui vais raconter. C’est mon histoire, et ma prérogative.

« Encu… »

Et quand je te dis de la boucler, tu la boucles.

Reprenons. Au commencement étaient les Quatre, et les Quatre étaient Gaia, car Gaia est Celle qui est. Ce point là, Chauff l’a déjà avancé, après avoir reçu, au cours d’une expérience mystique, la révélation. Gaia n’avait pourtant pas tout dit. Elle n’avait pas menti, sinon par omission. Au commencement étaient les Quatre, et ceux-ci fusionnèrent en Gaia. Mais au cours du processus de gestation dans la Matrice Originelle, se forma une jumelle de Gaia. Celle-ci prit le nom d’Alta. Quand les deux sœurs éclatèrent toutes formées pour jaillir dans l’Univers, la haine était déjà tenace. Les deux sœurs, comme par un dessein supérieur, étaient de force égale.

Celles-ci se mirent en tête de créer les plans et les occupants, en elles et par elles. Plus particulièrement, les plans Xaeriens devaient les départager. Gaia se nourrissait de l’énergie Créatrice, tandis qu’Alta se repaissait de l’énergie Destructrice. Le choc des énergies du conflit des plans Xaeriens était tel que l’une des sœurs devrait sortir victorieuse du combat, à terme. C’était du moins ce qui était prévu.

Alta avait ses fidèles inconscients. Tous ces esprits faibles entre tous qui faisaient passer leur force avant leur raison, et massacraient leurs ennemis pour eux même, se délectant de la mort et de leur propre sentiment de puissance. Ces esclaves pour qui la mort était une fin servaient Alta sans même le savoir. Si cette dernière devait vaincre, ce serait sans doute la défaite de la Vie et de l’Esprit. Ce dont Gaia avait besoin, c’était de l’énergie créatrice, toujours en mouvement, toujours inspirée : le nouveau sort, le coup esthétique, fut-il ou non fatal, la création, le style, l’esprit. C’était le sens de la conversion des Autels par Chauff. Il allait de soi que l’on trouvait des Alteens comme des Gaieens inconscients indifféremment parmi tous les peuples.

Pourtant, Gaia s’affaiblissait relativement à sa sœur. Elle l’avait senti, et avait créé les Loups pour inspirer ce renouveau créateur, cette victoire de l’esprit qui allait jusque dans la confection d’un assaisonnement. La lutte s’était stabilisée, mais continuait.

C’est du moins à peu près ce que présenta Nessos à Chauff, dans son jargon lui-même fort fleuri.

« Et toi, tu sers qui, dans cette histoire ?
-Oh, moi...je vis tranquillement ma vie, tant qu'aucun clampin ne m'enferme dans un recoin moisi de son cerveau... Mais puisque la gause gaieenne te tient tant à cœur, je me ferai une joie de t’assister. Moyennant une place croissante, bien évidemment…»
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MessagePosté le: 23 Aoû 22:17    Sujet du message: Répondre en citant

Dehors, il faisait nuit. La Montagne était paisiblement endormie, et même la grotte de Cerbie et de Iarn était silencieuse. Les cendres du barbeuks de la veille rougeoyaient, et il fallait tendre l’oreille pour percevoir de légers ronflements ici et là. Chauff était sorti de lui-même, mais il n’avait aucun moyen de savoir combien de temps il était resté prisonnier de son corps : quelques heures, ou étaient-ce quelques jours ?

Il descendit de la Montagne par un chemin compliqué de nuit, même pour un béonide confirmé. Au cours de sa descente, il ne rencontra personne. Il lui parut étonnant de ne pas ressentir particulièrement la faim. Peut être s’était-il absenté moins de temps qu’il ne le croyait. Peut être ses frères béonides ne s’étaient-ils pas même rendu compte de son étrange voyage.

« Nous voilà donc de nouveau réunis, Nessos.
- Et cette fois ci, crois-moi, tu ne te débarrasseras pas de moi comme la première fois. Tu m’avais pris par surprise, alors. Je suis plus prudent. Et toi-même, tu n’étais pas prêt ; tu es plus réceptif, maintenant. Notre combat dans la grotte est en cela emblématique : je t’ai montré l’incapacité des éléments à me vaincre, tu as passé ce stade. Tu as utilisé un poison fort simple, mais souviens toi de la grande puissance de notre sang bouilli, de la désagrégation des chairs, des vaisseaux qui fondent. Souviens toi de cette gorge arrachée. Souviens toi de ces quelques gouttes mêlées à un bol et qui liquéfient le larynx de celui qui le boit. Mais j’ai mieux à te montrer… »

En position de chasse, Chauff ne mit pas longtemps à repérer un loup solitaire, avant de renoncer à le suivre devant l’injonction de Nessos de rechercher une cible plus évoluée… « C’est parfois le problème avec le mentalisme, songea Nessos, des esprits prodigieusement faibles y sont parfois bien résistants, tandis que des génies en succombent tout de suite. »

Quelques minutes plus tard, le curieux couple à la fois un et deux perçut un démon lambda qui semblait patrouiller, seul. « Laisse, je vais te donner l‘exemple ». Quand ils furent suffisamment proches, ils le hélèrent. Le démon, anonyme pris de rage, courut à leurs rencontres. Chauff sentit son esprit se tendre tandis que son adversaire s’écroulait à ses pieds, désormais esclave de son corps. Il n’eut qu’à lui briser la nuque d’un coup sec. « Vois tu, Toto, le mentalisme, c’est l’avenir. C’est hype, ça ne pollue pas, et quand tu le maîtrises bien, c’est très confortable. On peut contrôler un muscle de son adversaire, le faire tomber, bloquer son souffle ou son cœur. On peut le faire empaler sur sa propre épée, on peut le faire se mutiler à loisir. Il suffit de laisser libre court à ta créativité. C’est quelque chose qui devrait plaire à ta Gaia, tu ne crois pas ? »

A la fin de la journée, il avait appris à manœuvrer les passes mentales de base et commençait à en percevoir tout le potentiel. Il oeuvrait mieux, et se fatiguait moins. Il ne parvenait pas encore à diriger précisément un adversaire sur un autre, mais un peu d’entraînement viendrait sans doute à bout de cette difficulté.

Lorsqu’il gravit la Montagne ce soir là, la moisson avait été bonne. Il fut accueilli avec joie par les béonides, qui avait un temps craint pour sa santé et son humeur. Turak, expert dans l’art de la tambouille, ne manqua d’ailleurs pas de s’extasier devant l’état de conservation de la viande, et devant l’absence de toute trace de blessure.

Chauff, le Grand Prêtre Béonide, avait été en un sens vaincu par Nessos, mais il acceptait pleinement cette défaite. Pire, pour l’instant, il y adhérait presque. Il avait acquis une connaissance nouvelle, quoi que sujette à caution, et cette présence en lui, si elle le rendrait probablement plus cruel envers ses ennemis, ne menaçait pas son entente avec ses frères.

Ceux-ci ne manquèrent pas de remarquer qu’au Barbeuk, ce soir là, il mangea pour deux.
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