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Retrouvailles celtiques

 
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beonir
duc
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Inscrit le: 14 Oct 2005
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Thème: xm-jdr (983)
Localisation: Inutile de vous retourner, je suis déjà parti....
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MessagePosté le: 11 Déc 15:03    Sujet du message: Retrouvailles celtiques Répondre en citant

Alors qu’il avait toujours vécu seul, sans se soucier des autres, Beonir, le voleur, l’homme de l’ombre, avait vu son destin basculer lorsqu’au hasard d’une quête, il avait rencontré cette jeune magicienne.
En croisant pour la première fois son regard, il lui semblait qu’ils s’étaient toujours connus, qu’il existait entre eu un lien ténu, un rapport invisible.
Et puis, il avait vu, posé sur sa poitrine, ce médaillon, signe d’appartenance au clan des Muilleathan, qu’il portait lui aussi.
Etait-ce possible ? Etait-elle cette sœur, seule rescapée du massacre de son village, qu’il savait avoir été recueillie par ce mage et qu’il n’avait jamais connue ?

Depuis lors, Cadfael et Beonir devinrent inséparables, vivant l’un pour l’autre, dans ce monde dur et impitoyable qui était désormais le leur.
Jour après jour, ils combattaient sans relâche les hordes de l’Alliance, constituées de démons exaltés et de centaures ivres de violence, qui déferlaient sur eux, escortés d’une meute grouillante de chimères et de manticores, depuis la contrée d’Oughterard, massacrant les populations, ne laissant derrière eux qu’un paysage de désolation et de mort.

Ils s’étaient retrouvés acculés aux falaises abruptes du pays de Lisdoonvarna, résistant aux assauts menés sans répit par leurs adversaires en surnombre.
Comment pourraient-ils en réchapper ?
Beonir ne craignait pas pour lui-même. Il savait que la mort ne serait qu’un passage vers un autre monde. Il craignait pour Cadfael. Qu’adviendrait-il de l’un sans la présence de l’autre ?

C’est à ce moment, qu’il vit fondre sur elle ce bucentaure, au corps de taureau et au faciès aliéné par la démence, qui la percuta sur son flanc gauche tandis qu’elle s’apprêtait à lancer une incantation.
Le bucentaure ne prêta aucune attention à Cadfael qui s’était trouvé sur sa route et poursuivit sa course folle. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter !
A ce moment là, ne prêtant plus aucune attention à ce qui se passait autour de lui, et n’écoutant désormais plus que son cœur, Beonir se lança immédiatement en direction du corps inanimé de sa sœur, piétinant et trébuchant sur les cadavres jonchant le sol.
Il se pencha sur elle et vit, dans un soulagement inespéré, qu’elle respirait …..
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cadfael
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Thème: Xm-Halloween (2008)

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MessagePosté le: 11 Jan 23:16    Sujet du message: Répondre en citant

Comme à son habitude, Cadfael avait tenté un sort trop complexe, le bucentaure l’avait heurtée avant que les incantations ne fassent effet ; le souffle coupé, elle méditait ce sortilège de transfixion qui lui posait encore de légers problèmes. Elle se releva et sourit à son frère dont le visage était empreint d’inquiétude.

-« Où es ton heaume ? Pourquoi ne le portes-tu jamais pendant les combats ? », Beonir bouillonnait de colère contre l’attitude insouciante de sa sœur.
-« J’aime sentir le vent marin fouetter mon visage et surtout nos ennemis doivent pouvoir nous reconnaître et apprendre à nous craindre. »
La tradition des Muilleathan voulait que les jeunes guerrières rasent leur chevelure et arborent sur leur visage les signes d’appartenance à leur clan.

Cadfael savait que l’ire de Beonir serait de courte durée ; la vie n’avait pas épargné son frère et lui avait forgé un caractère mélancolique et inquiet.
Trop jeune, elle ne pouvait se souvenir du Bloody Sunday ; par contre, son frère de 5 ans son aîné avait encore en mémoire ce jour funeste où des guerriers masqués avaient occis méthodiquement tous les enfants du comté de Clare.
Ce massacre avait été ordonné par le sanguinaire Lord of Cromwell en raison d’une prédiction douteuse d’une banshee (oracle local) qui avait la réputation d’abuser du chichon. D’après les élucubrations de la vieille folle à l’esprit embrumé, Cromwell devait mourir des mains d’un enfant de pêcheur, le jour de ses 21 ans.

Beonir avait échappé à cette folie meurtrière, son père l’ayant emmené pour une campagne de pêche. De retour chez eux, tout n’était que ruine fumante; il trouva la dépouille de sa mère parmi d’autres cadavres jonchant les rues mais pas de trace du nourrisson Cadfael.
Pendant les cinq années suivantes jusqu’à sa mort, le père de Beonir fit le pèlerinage de la Crouagh Patrick dans l’espoir vain de retrouver sa fille; jamais il ne vit le moindre signe de son enfant chéri dans les miroitements argentés de Clew Bay.
Beonir était livré à lui-même ; son père désespéré ne lui étant d’aucune aide, il appris peu à peu à vivre de ses menus larcins et devint rapidement un voleur habile et redouté par les marchands en tout genre.

Cadfael devait son salut à un mage espagnol qui faisait halte depuis quelques jours dans la chaumière de ses parents. Gaztibelza, le mage errant, ayant discerné une lueur malicieuse et magique dans le regard du nourrisson, décida de la soustraire à son cruel destin et emmena l’enfant vers des contrées plus chaudes et plus hospitalières. Il confia l’éducation de l’enfant à la vieille maugrabine d’Antéquera. Cadfael grandit aux côtés d’Eloïsa, la fille du mage; les deux fillettes devinrent inséparables et suivirent conjointement l’enseignement de Gaztibelza à partir de leur neuvième année. Cadfael n’atteignit jamais le niveau de compétence de sa jeune amie, elle n’était pas assez appliquée et pas assez rapide dans le choix de ses sortilèges.

A son quatorzième anniversaire, le mage lui narra les événements tragiques de sa petite enfance ; il jugea que le temps était venu de tester Cadfael et lui intima l’ordre de rejoindre la terre de ses ancêtres.


Dernière édition par cadfael le 15 Fév 0:19; édité 1 fois
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beonir
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Thème: xm-jdr (983)
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MessagePosté le: 12 Jan 8:06    Sujet du message: Répondre en citant

Beonir commençait à bouillir dans son armure. Il adorait sa sœur, mais se demandait si son attitude relevait du courage ou de l’insouciance.
Cette jeune femme frêle, au visage tatoué, drapée dans sa robe, venait d’échapper à la mort et lui souriait déjà.
Il s’enquit de son état en faisant fonctionner chacun de ses membres l’un après l’autre.
Fort heureusement, sa tête n’avait subi aucun choc ( il se désespérait de la voir constamment combattre tête nue ) et il ne semblait pas qu’elle ait la moindre blessure physique ou psychique suite à la charge du bucentaure. Elle était juste sonnée mais reprenait vite ses esprits.

Beonir porta soudainement son regard sur la main droite de sa sœur, qui tenait fermement un objet d’une vingtaine de centimètres.
Il blêmit et ferma les yeux d’un air irrité :
- « Cadfael, tu n’es qu’une petite écervelée ! Mais quand vas-tu te décider à grandir ! Et quand vas-tu arrêter de fumer ces herbes qui te tournent la tête ? »

Cadfael, surprise par la vive réaction de son frère, se mit à sangloter. C’est la première fois qu’il était aussi sec avec elle. D’habitude, il utilisait un ton beaucoup plus léger. Elle pensa :
( Je dois l’avoir vraiment mis en colère le frangin pour qu’il le prenne comme ça ! Bon, c’est vrai, l’alchimie m’a ouvert la connaissance de certaines substances qui rendent l’esprit plus gai, voire plus combatif, mais merde, quand même, me gueuler dessus comme si j’étais une gamine, il y va fort ! ).
Du coup, elle lui rétorqua :
- « Beonir, tu es peut-être mon frère, mais je sais ce que je fais ! Les risques que je prends ne regardent que moi ! Et puis, il faut absolument que je travaille ce sort de transfixion qui nous sera d’une immense utilité lors des batailles. »

Elle vit la rage monter au visage de son frère.
Il prit sa main droite :
- « Regarde, mais regarde donc ! ».
Elle baissa les yeux.

- « Comment veux tu lancer un sort de transfixion avec un chorizo ? Décidément, ma sœur, ta vie ne tiens pas à grand chose ! Il faudra que tu perdes définitivement cette habitude d’emporter sur les champs de batailles ces saucisses que tu fais amener d’Espagne ! ».

Elle parti d’un fou rire qui fit même se détourner les combattants aux alentours.
Elle se releva et brisa en deux le chorizo :
- « Au moins, si on le mange, il n’y a plus de risque que je le confonde avec ma baguette ! ».

Beonir sourit à son tour en secouant la tête.
Ils s’assirent sur une carcasse de centaure qui gisait au milieu des corps et dégustèrent cette modeste collation, en entendant au loin résonner les cors.
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cadfael
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Thème: Xm-Halloween (2008)

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MessagePosté le: 15 Fév 0:41    Sujet du message: Répondre en citant

Tout en finissant d’avaler la dernière bouchée, Cadfael regarda autour d’elle ; les combats semblaient s’être arrêtés. Leurs ennemis pourtant en surnombre avaient déserté le champ de bataille ; couardise de leur part ? ultime regroupement avant l’estocade finale ?
Elle se retourna pour découvrir que le soleil disparaîtrait bientôt dans les eaux tourmentées de l’Océan et ferait place à une lune parfaite, ronde et rousse.
Elle comprit alors qu’il ne s’agissait pas de lâcheté ni de stratégie mais uniquement et à nouveau de la prédiction de la banshee. Le jeune fils de pêcheur devait apparaître ceint d’une aura blanche dont la puissance absorberait toute couleur présente et éclipserait même la pleine lune montante. En conséquence, à chaque nouveau cycle lunaire, Lord of Crowmell exigeait que son château soit défendu par toutes ses troupes.

Cadfael posa la tête sur l’épaule de Béonir et chantonna doucement :
Pulque, mescal y tequila,
Cuba libre y cerveza
Ce soir je serai borracho
Hombre !
Borracho ! Como no ?

“No se puede vivir sin amor”, hombre.
“No se puede vivir sin amor”
Chinga de su madre
Otro cuba libre
Borracho ! Como no ?


Béonir avait raison, sa sœur se cherchait encore dans la pratique de la magie pure et il lui faudrait apprendre à se montrer plus posée et moins téméraire. Par contre, il était un domaine où elle excellait c’était celui de la magie blanche ; le maniement des herbes, des philtres, des potions et des liqueurs n’avaient plus aucun secret pour elle. Cadfael avait dépassé ses maîtres, Gaztibelza et surtout sa nourrice originaire d’Antequera.
Béonir ignorait tout des pouvoirs troubles de sa sœur ; il les aurait d’ailleurs désapprouvés et c’était en secret que Cadfael utilisait ses dons.

Sa première tentative remontait à leur rencontre lorsque Béonir avait comparé les deux médaillons. Cadfael n’avait aucun souvenir de sa toute petite enfance pourtant il lui fallait savoir si le récit de celui qui se prétendait être son frère était véridique. Alors malgré les avertissements prodigués par ses maîtres, elle décida de recourir aux mystères des plantes pour faire ressurgir de sa mémoire les premières heures de sa vie. Elle se retrouva transportée des années en arrière dans une humble chaumière qui correspondait point par point à la description de Béonir ; sa mère la tenait dans ses bras et lui chantait une chanson dont seules certaines paroles lui apparaissaient clairement à l’esprit :
In the blood of Eden
Lie the woman and the man
With the man in the woman
And the woman in the man
In the blood of Eden
Lie the woman and the man
We wanted the union
Oh the union of the woman
The woman and the man

In the blood of Eden
We have done everything we can
In the blood of Eden
So we end as we began
With the man in the woman
And the woman in the man
It was all for the union
Oh the union of the woman, the woman and the man.


Ensuite tout devenait cris et hurlements, un voile rouge assombrissait un temps la vision de Cadfael puis une lumière violente mais fugace et enfin l’obscurité apaisante du sac du mage espagnol.

Elle avait refait souvent ce voyage afin de revoir les yeux et le sourire de sa mère.
Ce qui la préoccupait maintenant était son incapacité à entrevoir l’avenir. Elle avait essayé vainement tous les mélanges de tous les ingrédients disponibles, cela la rendait malade physiquement et mentalement.
Tant qu’elle serait sur ces terres celtiques, Béonir serait sa seule famille. Sa nourrice, Eloïsa et Gaztibelza étaient en sécurité loin de ces guerres perpétuelles, du moins le pensait-elle.

Certaines pensées tendaient chez elle vers l’obsession : Béonir était-il le fils de pêcheur de la prophétie ? Son frère avait-il eu vent de celle-ci ?
Jusqu’à présent, Béonir semblait uniquement préoccupé par leur sécurité mais leurs retrouvailles étaient récentes et chaque jour qui s’écoulait faisait pressentir à Cadfael l’existence d’un secret enfoui chez son frère.
Si ces craintes étaient fondées, il lui restait peu de temps pour devenir à son tour un mage digne de ce nom.

Citations: H.F. THIEFAINE, P. GABRIEL
Emprunts à V. HUGO
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beonir
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Thème: xm-jdr (983)
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MessagePosté le: 20 Mar 8:43    Sujet du message: Répondre en citant

Le jour prenait fin. Le pâle soleil commençait à descendre sur la lande, il baignait encore la plaine moribonde de ses rayons blafards, habillant chaque cadavre d’un linceul naturel.
Cette bataille resterait à jamais comme l’une des plus meurtrières du comté de Clare.

Il sera toujours temps, demain, de compter les morts et d’inhumer les siens.
Pour le moment, il fallait tout d’abord s’occuper de soi, panser les blessures, soigner les meurtrissures de l’esprit mais surtout, et avant tout, il fallait dormir…..

Pour Beonir, c’en était fini des nuits sans rêves ! Même épuisé, il avait le sentiment, qu’à peine endormi, son esprit vagabondait et partait s’égarer dans les limbes.

Régulièrement son sommeil était troublé par une vision récurrente.
Elle était apparue, il y a plusieurs mois, lors de ses errements nocturnes, peu de temps après qu’il ait retrouvé sa sœur .
L’image était, en elle même, d’une simplicité déroutante, mais il lui semblait qu’elle avait un sens primordial pour sa vie et celle de Cadfael.
Il voyait la lune décliner jusqu’à ce que la nuit couvre de son voile obscur et absolu toute forme de vie, éclipant les plaines et les forêts, les bâtisses et les ruelles, s’insinuant jusqu’à la moindre anfractuosité rocheuse des falaises toutes proches. Les highlands étaient entièrement parés d’un noir de jais.
Aucune étoile ne brillait au firmament, et il avait l’intuition que quelque chose allait se passer ! Bientôt ! Très bientôt ! C’était tout proche !
Puis il se réveillait, transpirant, haletant …….sans avoir pu aller au bout de son rêve, une fois encore…..

Même si la réitération de ce rêve le troublait, à chaque fois demeurait en lui un goût d’inachevé lorsqu’il s’éveillait. Quelle pouvait bien être la signification de ce songe ? Etait-ce une simple hallucination ou bien une clef qui le mènerait vers quelque chose ? Il n’en avait aucune idée.

Au-delà de son agitation, il était totalement épuisé et se demandait s’il n’allait pas demander à Cadfael de lui préparer une décoction de ces plantes qu’il lui savait emplir son sac. Il se doutait qu’elle en connaissait les vertus.

S’il n’arrivait pas à dormir, il n’aurait probablement plus la vaillance qui le caractérisait au combat.

Il avait bien essayé, il y a quelques jours, de boire l’eau de vie de pomme distillée par ce vieil aubergiste à l’insu du seigneur, mais s’il avait effectivement pu dormir profondément - bloquant durant plusieurs heures les goguenots de l’auberge en s’écroulant ivre mort entre la porte et les latrines - les effets secondaires étaient trop violents pour son organisme ( entre les rots, les éructations et les flatulences, il se sentait devenir centaure ).
Il portait toujours la gourde attachée à sa ceinture……

Tandis qu’il semblait profondément méditatif, Cadfael s’était éloignée afin de ramasser quelques hardes qui leurs serviraient de couches durant cette nuit qui s’annonçait froide.
Il se retourna et la vit affairée au loin. Il hésita. Il lui semblait qu’elle était en train de tailler une pièce de viande sur un cheval.

Sans réfléchir, il prit le sac de sa sœur ( Elle avait beau être sa sœur, il ne pouvait pas s’empêcher de fureter, c’était dans sa nature ! ) et saisit immédiatement, au milieu de petites poches comme autant de bourses, le petit sac d’herbe à pipe ( reconnaissable car elle le fermait avec le briquet forgé qui lui servait à allumer sa bouffarde ). Il espérait qu’elle l’aiderait à fuir la vision de l’astre déclinant.
Il n’en avait pris qu’un peu, afin qu’elle ne s’en aperçoive pas ! Il tenait à connaître lui aussi les effets de cette médecine qui semblait agir étrangement sur l’esprit de Cadfael.
Dès les premières bouffées, il s’était senti enveloppé d’une douce lasciveté. Il avait le sentiment que son esprit se détachait doucement de son enveloppe corporelle. Puis il allait progressivement, et sans s’en rendre compte, sombrer dans une sorte de transe.

Vu de l’extérieur, la scène était rapidement devenue assez déconcertante.
Le corps de Beonir était ponctuellement agité de soubresauts et de spasmes. Il agitait l’air avec ses bras comme s’il cherchait à agripper quelque chose. Il semblait alterner les phases d’agitation et les phases de conscience.

Alors qu’elle revenait vers lui, les bras chargés de loques et de viandes, Cadfael s’arrêta subitement, stupéfaite :
- « Beonir, mon frère, ça ne va pas ? Tu as encore goûté à cette eau de vie frelatée ? »

Après quelques secondes d’hésitation, il lui répondit, d’un ton enjoué, voire euphorique :
- « Non, j’ai fumé quelques unes des herbes que j’ai trouvées dans ton sac ! C’est fabuleux ! Si tu savais quel effet ça me fait ! J’ai l’impression d’être un écureuil…. »

Saisissant lestement le sac, elle l’interrompit :
- « Ouais, ben fais gaffe à tes noisettes si tu continues à fouiner dans mes affaires ! Une utilisation à mauvais escient ou a forte dose de chichonus toxicum cannabis peut déranger irrémédiablement ton esprit ! C’est une médecine ancestrale réservée aux mages et aux alchimistes et il ne faut pas en abuser !. Tu délires mon frérot, hein ! ».

- « Tchic tchic, tiouk tiouk ! » répondit Beonir, qui, s’il avait pu, serait parti en bondissant sur ses deux jambes et aurait essayé de grimper au premier arbre venu.

Elle ne savait pas quelle dose d’herbe à pipe il avait fumé, et elle se mit subitement à craindre tant pour lui que pour les quelques pauvres erres qui quittaient encore le champ de bataille, à moitié éclopés.

Voyant qu’il n’y avait rien à faire pour le moment, car elle savait, pour en faire usage couramment, que les effets s’estomperaient au fil des heures, Cadfael asséna un violent coup de poing sur la mâchoire de son aîné ( C’est qu’elle en avait de la force la demoiselle ! ), mettant ainsi un terme à sa métamorphose neuro-psychologique.

Puis, elle ajouta, pour elle même :
- « Je ne pensais pas que tu aurais eu le culot de fouiller dans ma besace. Mais ça fait quelques temps que tu as l’air un peu perturbé mon frère ! Il faudra que nous ayons une discussion sérieuse à ton réveil ! »

Elle s’allongea et se blottit tout contre lui, car la fraîcheur nocturne commençait à se faire sentir, au moins ils seraient abrités par le corps du centaure qui était tombé sous les flèches humaines.

Quelques minutes plus tard, elle dormait………
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cadfael
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Thème: Xm-Halloween (2008)

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MessagePosté le: 23 Avr 23:55    Sujet du message: Répondre en citant

Cadfael fut réveillée par le froid ; elle ne sentait plus la douce chaleur du corps de son frère à ses côtés. Elle ouvrit les yeux pour découvrir la pâle lueur de l’aurore qui pointait à peine à l’horizon. Elle aperçut Béonir s’affairant autour d’un feu prometteur.

Hum, il prépare le petit déjeuner. Il sait qu’il a quelque chose à se faire pardonner, le frangin. Profitons de ce moment pour l’entreprendre sur ses comportements singuliers.

Elle s’assit en face de lui, prit l’écuelle que lui tendait son frère et d’un ton calme mais déterminé entama la discussion.
« Par moment, ton attitude m’inquiète ; tantôt les traits de ton visage reflètent une intense préoccupation, tantôt un profond désespoir.
Quel est la cause de ton tracas ? Quel est ce secret dont le poids semble si lourd à porter ?
Je te conjure de m’ouvrir ton cœur et ton esprit. Notre seul espoir de survie dans ces temps hostiles est de nous faire une mutuelle confiance. »


Béonir fut soulagé ; non seulement il s’attendait à une litanie de reproches concernant la fouille du sac de sa sœur mais mettre des mots sur ces visions nocturnes lui permettrait peut-être d’y entrevoir une signification.
Cadfael l’écouta pour une fois avec beaucoup d’attention ; quand il eut terminé, elle ressentit un souffle glacial lui transpercer le corps.
Elle savait maintenant.
Restait à informer son frère et accepter de suivre leur destin.

« Ô mon bien-aimé frère. Ce ne sont nullement des divagations qui emplissent tes rêves. Tu as ce don qui me fait cruellement défaut ; tu peux voir l’avenir et ceci est fort probablement dû à la prophétie dont tu as fait l’objet. »
Elle lui rapporta alors tout ce que Gaztibelza lui avait narré du destin croisé entre un simple fils de pêcheur et un seigneur sanguinaire. Béonir dut la calmer à maintes reprises, l’angoisse de sa sœur rendant parfois ses propos abscons.

«Tu as raison, admit Cadfael, je n’arrive pas encore à agencer correctement toutes les pièces de ce puzzle.
Que signifie et d’où viendra cette aura blanche ? Quand aura lieu l’ultime confrontation ? Que puis-je faire pour faciliter ta tâche ?
Il nous faut aller questionner mon Maître, le mage espagnol. »


Encore abasourdi par ces révélations, Béonir accepta de lever le camp sans plus attendre. Trouver un moyen de locomotion fut chose aisée car nombreux étaient les chevaux qui paissaient sur le champ de bataille. Ils chevauchèrent deux jours et deux nuits d’affilée, s’arrêtant juste pour échanger leurs montures fourbues contre des animaux plus frais. Harassés de fatigue et couverts de poussière, ils arrivèrent au port de Kinsale où Béonir était certain de trouver un bateau en partance pour l’Hispanie.

Une fois à bord d’un coracle qui faisait route vers le Golfe de Gascogne, Béonir retrouva les nombreuses sensations de son enfance ; les éléments marins l’aideraient à clarifier ses pensées. Cadfael, moins amarinée que lui, observait avec inquiétude le déchaînement des flots autour du bateau ; elle s’agrippait au bras de son frère et fixait avec angoisse une péninsule rocheuse où la houle de l’Atlantique Nord venait se fracasser.

« Regarde, sœurette, le rocher du Fastnet ! Si tu observes attentivement, tu distingueras une myriade de fous de Bassans ainsi qu’une colonie de phoques qui ont élu domicile sur cette terre rocailleuse. »

A peine Béonir avait-il prononcé ces paroles qu’une dizaine de dauphins cabriolèrent joyeusement devant l’étrave du navire. Oubliant sa peur et sa légère nausée, Cadfael regarda émerveillée le ballet nautique des cétacés.

« Quel univers fantastique que ce monde aquatique ! Le bleu est aussi profond et accueillant que le vert de nos collines. M’emmèneras-tu un jour à travers les océans vers d’autres contrées ?

- Oui ma sœur, je t’en fais la promesse ; mais pour cela, il te faudra d’abord apprendre les rudiments de la navigation. »


Nulle tempête ne vint troubler la quiétude de leur voyage et c’est en moins d’une semaine qu’ils accostèrent au port de Santander.
A terre, Cadfael emmena son frère sur la route de Viloria de Rioja où elle avait passé son enfance.
Elle souhaitait en tout premier lieu se rendre au monastère de San Millàn de la Cogolla qui disposait d’une des bibliothèques les plus célèbres du monde médiéval. Les moines y copiaient et traduisaient tous les auteurs depuis la création. Elle s’y était rendue maintes fois au cours de son enfance ; les bénédictins la prenant pour un garçon aux traits un peu efféminés. L’assistant bibliothécaire lui permit de consulter trois ouvrages : les Tabulae d’Al Kuwarizmi, le Kitab Al Qanum fi Al-Tibb d’Avicenne et l’Opus Majus de Roger Bacon ; mais elle n’y trouva pas les réponses qu’elle avait tant espérées.

Ils reprirent le chemin en direction de la demeure de Gaztibelza. Celui-ci était assis devant sa porte lorsqu’il aperçut ses deux visiteurs. Les années écoulées n’avaient pas altéré sa vision et il reconnut aisément son élève. Cadfael se jeta dans ses bras et la voix chargée d’émotion dit :
« Maître, je suis tellement heureuse de vous voir en bonne santé. Permettez-moi de vous présenter mon frère, Béonir.
- Soyez les bienvenus et entrez mes enfants ; nous serons à l’abri des oreilles indiscrètes. »


L’intérieur de la maison était obscur, une odeur indéfinissable alourdissait l’air, des étagères chargées de bric-à-brac couraient tout le long des murs.
Béonir mal à l’aise se tenait en retrait près de la porte restée entrouverte.

« Eloïsa sera très déçue quand je lui annoncerai la nouvelle de votre passage mais elle s’est absentée pour une semaine. Je sais que votre visite sera de courte durée alors entrons rapidement dans le vif du sujet.

- Maître, j’ai cherché en vain la réponse à certaines questions. Je n’arrive toujours pas à déchiffrer parfaitement la prédiction de la banshee. Pourriez-vous me donner votre interprétation ?

- L’analyse d’une prophétie est loin d’être une science exacte mais celle qui nous intéresse laisse peu de doute quant à sa signification.
Mais avant de vous faire part de mes conclusions, je souhaiterai apprécier ton degré de maîtrise des arts magiques, Cadfael. »


Béonir se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire tandis que Cadfael, rougissante préparait sa réponse.
« Il me semble humblement avoir effectué beaucoup de progrès depuis mon départ d’Hispanie mais j’ai maintenant l’affreuse impression de stagner. Je me suis plongée dans les écrits des anciens sans résultat ; je n’ai pas encore trouvé de méthode pour combler mes lacunes.

- L’enseignement de l’art de la magie est une chose fort complexe ; chaque élève a son rythme d’apprentissage qui est fonction de l’âge et des origines dudit élève. De plus, une baguette de magicien doit être parfaitement adaptée aux capacités de son utilisateur.

En tant que Muilleathan, tes pouvoirs augmenteront à chaque étape de ta vie. La puissance actuelle de ta magie correspond à celle d’une jeune fille déjà fort expérimentée; il te faudra patienter jusqu’à la disparition de ton hymen pour atteindre l’apogée de ton art.

- Ah mais c’est chose faite depuis peu, murmura Cadfael

- Comment ? s’étrangla Béonir

- Pardon mon frère, mais ce n’est ni le lieu ni l’heure pour discourir de l’émancipation des femmes de notre peuple. A ce sujet, tu penses que je n’ai pas remarqué ton manège avec la jeune et jolie serveuse de la taverne ? Comment se nomme-t-elle déjà ? Catécholamine ? Non; Sérotonine ? Non plus …

- Cadfael mon enfant, pardonne mon indiscrétion mais les élans de ton âme et de ton cœur doivent accompagner ceux de ton corps sans cela tu ne peux prétendre avoir quitté définitivement l’enfance. »


Elle chuchota sa réponse avec le fol espoir que Béonir ne l’entende pas :
« Il m’aurait été impossible d’envisager cela différemment … »

Cadfael fut interrompu par un fracas ; son frère courroucé venait de trébucher sur un tabouret, ayant perdu l’équilibre, il essaya malencontreusement de s’accrocher à une étagère entraînant la chute de nombreux bocaux sur lui. Le voyant assommé, Cadfael voulut se précipiter à son secours.

« Laisse-le ! Il est d’une nature solide ; son malaise passager nous permettra de parler tranquillement, ordonna Gaztibleza.

- Mais, je donnerai ma vie pour lui.

- Tu auras bientôt l’occasion de le lui prouver ; écoute et ne m’interrompt plus.
Grâce au sort de dématérialisation tu seras l’aura blanche de la prophétie ; la force de Béonir sera démultipliée mais tu deviendras extrêmement vulnérable. Vous ne formerez plus qu’un jusqu’à l’issue du combat et il te sera difficile d’y survivre. »


Cadfael resta perplexe pendant un laps de temps avant d’oser briser le silence.
« Je n’ai nullement l’intention de me défiler mais n’existe-t-il aucune parade à cette mort annoncée ?

- Si l’affrontement tourne à votre avantage, tu ne pourras espérer regagner ton enveloppe charnelle sans une aide extérieure ; seul un puissant mage pourrait prononcer l’incantation de re matérialisation.
Mon grand âge m’interdisant les longs voyages, je ne saurais être ton ange gardien. Je te ferai une lettre de recommandation pour une noble magicienne qui vit en terre gaélique ; il s’agit de ma nièce. Par la même occasion, tu me rendras service en la surveillant un peu. Cette belle écervelée entretient une relation regrettable avec un jeune homme sans avenir, un joueur de fiddle. Elle s’est amourachée d’un chevalier troubadour ! »


Le vieux mage se dirigea vers un lourd coffre en bois, il en sortit un écrin qu’il déposa sur son bureau. Il s’assit, prit une plume et commença à rédiger une lettre ; il cacheta cette dernière et inscrivit sous le sceau : Pour Hello, ma très chère nièce.
Puis il ouvrit avec mille précautions l’écrin et le présenta à Cadfael.

« Voici ta nouvelle baguette ; elle a été conçue pour toi. Taillée dans une branche de frêne, ton arbre tutélaire, les lettres qui y sont gravées sont en alphabet oghamique. Prends en grand soin car elle sera ta plus fidèle alliée. »

En saisissant la baguette, Cadfael éprouva un violent vertige qui fit disparaître toute notion de temps et d’espace. Gaztibelza lui expliqua qu’il faudrait un certain temps pour apprivoiser la puissance de cette nouvelle arme et que de légers troubles psychiques pouvaient accompagner cette période d’acclimatation.

Voyons que s’est-il passé exactement ? songea-t-elle
Oui, je me souviens. Mon avenir immédiat est plutôt enchanteur : voguer sur les flots, retrouver ma terre natale, rencontrer cette magicienne ; peut-être en vue de son mariage ? Non il s’agit d’autre chose, cela à un rapport avec mon frère.
D’ailleurs, il est grand temps qu’il se réveille.


Recouvrant peu à peu ses esprits, elle embrassa tendrement son Maître puis se dirigea vers son frère qui venait de reprendre conscience.
Béonir encore chancelant salua le vieux mage et soutenu par sa sœur, il franchit avec soulagement le seuil de la masure. L’air frais le remit rapidement d’aplomb.

Du regard, il interrogea sa sœur. Elle lui prit tendrement la main et dit d’un air assuré :
« Tout va bien, nous pouvons rentrer chez nous. Là bas, une magicienne nous aidera à combattre notre ennemi. »

Puis sur un ton plus badin, elle enchaîna :
« Parles moi de Dopamine, cette belle rousse qui a pris possession de ton cœur et moi je te confierai le nom de celui qui a su toucher mon âme, il s’appelle … »
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beonir
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MessagePosté le: 31 Juil 9:20    Sujet du message: Répondre en citant

Beonir avait déjà tourné les talons et ne put réprimer un sourire. Quelle diablesse, pensa-t-il !
Ceci étant, il faudrait bien un jour qu’il la laisse voler de ses propres ailes, même s’il espérait encore que l’échéance pouvait être retardée.
Pour sa part, il se demandait bien comment elle avait su pour cette déesse rouquine, par contre elle ignorait apparemment encore qu’elle se prénommait Hervelina. Il avait tout fait pour se cacher ou pour profiter des absences de sa sœur afin de retrouver celle qui lui apportait tant de bonheur en ces temps incertains.
Il semblerait qu’il n’ait pas pris suffisamment de précautions ou que des personnes peu scrupuleuses aient ébruité l’existence de sa relation passionnée, à moins, tout simplement, qu’il n’ait parlé d’elle dans son sommeil.
Pour l’heure, peu lui importait, il leur fallait rentrer au plus vite auprès de leur peuple.

- « Beonir, tu ne m’as même pas écoutée ! »

- « Plus tard, Cadfael, plus tard ! L’heure est aux choses sérieuses et non aux histoires de cœur ! »

- « Mais les histoires de cœur, c’est sérieux ! Ca fait partie de la vie et puis, le voyage sera long jusqu’à Lahinch ! Pourquoi te renfermes-tu comme cela ? Pourquoi n’arrives-tu pas à ouvrir ton cœur et ton âme ? Tu es triste, mon frère.
Ne penses-tu pas qu’il me plairait de partager autre chose avec toi que des batailles, des nuits à dormir à la belle étoile entre des corps démembrés ou encore des séjours dans des auberges miteuses ?
», lui répondit-elle du tac au tac.

- « Mais c’est la guerre ma sœur ! Nous aurons le temps de parler de tout ça après, quand la paix sera revenue et que je te saurai définitivement en sécurité », souffla Beonir.

Elle se campa devant lui, furieuse et déterminée, l’empêchant de poursuivre son chemin :
- « Nous ne vivons pas que pour la guerre ou la paix ! Il est aussi temps de vivre pour nous. Que se passera-t-il si la guerre dure encore des années ? Que se passera-t-il si nous ne survivons pas ? » ( Elle se remémora les risques qu’elle encourait selon les dires de Gaztibelza et les larmes lui montèrent aux yeux ).

- « Soit, laisse nous retrouver le bateau et nous en discuterons si tu veux… »

Ils cheminèrent jusqu’à Santander sur de robustes chevaux de Mérens, que Gaztibelza avait mis à leur disposition, n’échangeant quasiment pas un mot, mis à part sur des questions banales.

A chacune de leurs haltes, Cadfael s’éclipsait après le repas et se mettait en quête de trouver une clairière où elle pourrait s’exercer aux arts magiques.
Elle savait qu’il lui fallait dompter cette baguette dont le pouvoir était absolument considérable, elle le sentait, au point d’en être effrayant.
A chaque heure qui passait, la jeune magicienne sentait qu’elle commençait à maîtriser les sorts qu’elle peinait jusqu’alors à invoquer.
Elle excellait déjà dans les sortilèges de métamorphose et devait absolument concentrer ses efforts pour contrôler celui de transmutation.

Au soir du cinquième jour, le voleur veilla tard afin d’attendre sa sœur.
Les premières lueurs du jour commençaient à poindre lorsqu’elle apparut.

- « Cadfael, tu devrais mettre à profit la nuit pour te reposer. Tu as l’air épuisée et nous aurons tant de choses à faire une fois chez nous. »

- « Ne t’inquiète pas mon frère, je me reposerai une fois à bord. Tu sais, je peux désormais te transformer en écureuil », lâcha-t-elle d’un air enjoué.

Arrivés au port, Beonir s’enquit de trouver une embarcation qui leur permettrait de rentrer chez eux.
La chance était avec eux : une vaquelotte était justement prête à appareiller vers leur contrée. Le capitaine accepta de les déposer dans le petit port de Lahinch.
Le ciel était bleu, la mer peu formée. Le voyage s’annonçait agréable.

Et effectivement, il le fût !
Les vents portants permirent à la vaquelotte de naviguer toutes voiles dehors en vent arrière.
Au bout de deux jours, les dauphins rencontrés lors du voyage aller firent de nouveau leur apparition, au grand bonheur de Cadfael qui prenait plaisir à admirer la course effrénée qu’ils semblaient mener avec eux.

En la voyant ainsi charmée, il lui lança :

- « Plonge donc avec eux si le cœur t’en dit ! », d’un ton hilare.

- « Si seulement je pouvais ! ».

Voyant que son frère semblait relativement joyeux, elle saisit l’occasion d’avoir enfin avec lui la discussion tant attendue.

- « Tu sembles bien heureux mon frère ? Une fois n’est pas coutume, ceci me met en joie. Tu penses à ta belle, probablement ? »

- « Pas du tout, je me réjouis de te voir t’extasier devant ces mammifères dont on dit qu’ils seraient proches de nous. Tu sembles telle une jeune enfant qui découvre un jouet. »

- « Beonir, justement, je ne suis plus une enfant et j’essaye de jouir de chaque moment de ravissement que la vie peut m’apporter. Ces instants sont tellement rares qu’il me sied de pouvoir en profiter, et je te conseille d’en faire tout autant.
Tu sais, je comprends que tu te fasses du souci pour moi puisque tu es mon aîné ; aussi que tu te sentes investi d’une obligation de me protéger. Je l’apprécie même à sa juste valeur, sois en certain.
Mais il faut également que tu comprennes que j’ai besoin de liberté et d’assurance afin de pouvoir m’épanouir, que ce soit dans ma vie de femme ou encore dans mon apprentissage de magicienne.
En outre, tu as d’autres responsabilités à assumer en tant qu’homme. Il faut d’ailleurs que je t’entretienne des termes de la prophétie.
Je pense sincèrement avoir acquis le discernement nécessaire pour être en mesure de prendre les bonnes décisions. Je t’en prie, j’ai besoin que tu me fasses confiance. C’est crucial !
»

Le voleur avait écouté les propos de sa sœur avec une extrême attention, les yeux fixés sur les siens.

- « Si tel est ton désir, je vais m’efforcer désormais de faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit à ton égard ! Reprends moi si, par malheur, je m’égarais à nouveau ! Parle moi de la prophétie, si tu veux bien…. »

Et, à la lumière déclinante du soleil se couchant sur l’horizon, ils évoquèrent longuement ce que Gaztibelza lui avait raconté.
Beonir buvait les paroles de sa cadette, non sans cacher sa perplexité sur le fait qu’il puisse être celui qui avait été choisi.
Il leur fallait donc aller à Lahinch, afin de faire le point sur la situation du conflit avec les autres chefs de clan du comté, puis, de là, leur quête les mènerait aux Torc Falls, où ils devraient retrouver la nièce du mage.

Le bateau arriva en vue des Cliffs of Moher. Il manœuvra jusqu’au ponton où il fut solidement amarré.
Ils en descendirent prestement et se dirigèrent vers Ennistymon où ils savaient qu’ils retrouveraient leurs frères d’armes.

Une fois au campement, ils constatèrent que bon nombre de clans des autres comtés les avaient rejoints.
La nouvelle des invasions démoniaques s’était répandue telle une traînée de poudre dans tout le pays.
Des émissaires avaient été envoyés auprès de tous les chefs des clans voisins qui admirent tous rapidement l’intérêt qu’ils avaient de venir prêter main forte à leurs voisins, car Lord of Cromwell avait pour seule ambition d’étendre sa domination sur toute la région.
Une fois qu’il en aurait fini avec Clare, il enverrait ses hordes déferler sur Cork, Kerry, Limerick, Waterford et les autres comtés.

D’un seul coup d’œil, Beonir reconnut la plupart des bannières. Les O’Sullivan, O’Donoghoes, O’Mahonies et O’Connor Kerry, du comté de Kerry, avaient répondu présent ; tout comme les O’Driscoll et les Connoly, du comté de Cork, ou encore les O’Kiely, MacKeogh et Fitzgibbon de Limerick.

- « Beonir, mon jeune ami, te voilà enfin ! », l’interpella Rory Molony, chef du clan du même nom, voisin du clan Muilleathan, « Nous n’attendions plus que toi pour la grande bataille. Viens voir ! ».

Il l’entraîna d’un pas rapide vers un promontoire, situé à une centaine de mètres, qui dominait la vallée en contrebas. Cadfael les accompagnait.
La plaine était couverte de milliers d’hommes, sur un pan de la colline paissaient des centaines de chevaux. Chaque clan avait disposé un camp composé de tentes, autour d’un tendelet principal au sommet duquel flottait la bannière clanique.
Au sud, une vingtaine de balistes, montées sur des roues en bois et pouvant être tirées par des chevaux, étaient regroupées, en attendant d’être utilisées pour la bataille.

- « Jusqu’à présent chacun de nos assauts a été repoussé, mais vois combien nous sommes ! Manquent encore les O’Phelan, les Mac Grath et les O’Kean, qui sont en route depuis Waterford. Nous allons prouver à ce félon que nous ne nous laisserons pas écraser sans réagir ! Nous attaquerons dans deux jours, le soir, avant la lune montante. »

Cadfael et Beonir, parlant d’une seule voix, s’écrièrent :
- « Il faut attendre ! »

Rory Molony, stupéfait par leur réaction, les invita à redescendre la pente et à rejoindre le camp.

Ils rejoignirent le cantonnement où les chefs s’étaient regroupés. Ils étaient tous assis, silencieux, semblant écouter avec recueillement le son mélancolique qui s’échappait d’un fiddle effleuré par un homme appuyé contre un arbre.

D’une voix tonitruante, le chef des Molony, réveilla l’assemblée :
- « Il faut que nous ayons une discussion ! Beonir et sa sœur estiment qu’il ne faut pas attaquer maintenant, que ce serait pure folie ! »

Beonir prit la parole :
- « Oui mes frères, il faut différer votre attaque de deux semaines au moins ! Je dois partir avec Cadfael jusqu’aux chutes d’eau de Torc. Là-bas, nous trouverons le moyen de mener nos troupes à la victoire. L’issue de la bataille passera inévitablement par l’usage de la magie. Car nous pourrions peut-être défaire les hordes démones, mais il faut absolument anéantir Lord of Cromwell ; et ceci ne peut être qu’en ayant recours à des forces dépassant les capacités humaines, même des hommes les plus puissants.
Je vous en conjure, faites nous confiance et attendez jusqu’au jour de la fête du Puck Fair. Si nous n’étions pas rentrés d’ici là, alors vous serez libre de faire ce que bon vous semblera et de défendre au mieux notre peuple.
»

La discussion qui s’ensuivit fut animée et chacun semblait être sorti rapidement de sa torpeur.
Au bout de quelques minutes, l’agitation cessa et Muach O’Connor Kerry se tourna vers Cadfael et Beonir :
- « Nous acceptons d’attendre jusqu’à la fête du Puck Fair. Passé cette date, nous attaquerons !
Vous aurez besoin d’être accompagnés jusqu’aux Torc Falls. Je vais vous mettre à disposition un guide qui connaît parfaitement la région et vous mènera à votre destination.
Je vous conseille de voyager par la terre, de rejoindre Ennis, puis de prendre la route vers Killarney, en traversant le comté de Limerick. Je vous fais préparer des chevaux et des vivres.
» Puis il se tourna vers le joueur de fiddle : « Innocent, viens à moi ! ».

L’homme baissa son instrument et s’approcha du groupe d’un pas alerte.
Il semblait jeune, et, ce qui frappait au premier regard, c’est qu’il avait un visage doux. Il n’était guère plus grand que la moyenne, mais semblait de constitution solide.
Les cheveux en bataille, il avait l’allure d’un lettré, contrairement à ce qu’en décrivaient les apparences.
Vêtu d’une tunique portant les armoiries de son clan, un lion d’or couronné, sur un fond vert, Innocent portait, sur son flanc gauche, une épée bâtarde.

- « Innocent, tu vas escorter Beonir et sa sœur Cadfael jusqu’aux Torc Falls. Sois discret et ne leur pose aucune question sur le but de leur voyage. Faites en sorte de vous y rendre au plus vite et prenez bien garde à vous. Il semblerait que des éclaireurs démons rôdent sur toutes les terres du pays. » Innocent sourit comme si on lui avait annoncé une incroyable nouvelle et acquiesça sans mot dire.

Sans plus attendre les trois compagnons se mirent en route, non sans avoir salué leurs frères d’armes.

Leur voyage se déroula sans encombre. Les haltes étaient courtes, tout comme les nuits, mais Beonir et Cadfael savaient que le temps était compté. Innocent, quant à lui, de nature probablement réservée, semblait souvent pensif et affichait constamment un sourire satisfait.
Bien entendu, cela ne signifiait pas qu’il ne discourait pas avec le voleur et la magicienne, que ce soit en route ou lors de leurs repas, mais il avait parfaitement compris le message de son chef et ne parlait pas plus que la nécessité et la courtoisie ne l’imposaient. Mais, il ne résistait pas à l’envie d’agrémenter leur voyage du son de son fiddle.

La lande recouvrait la majeure partie du pays, dans chacun des trois comtés traversés. Néanmoins, il y avait toujours un bosquet d’arbres ou une petite forêt pour les abriter durant la nuit.
Les contrées étaient très vallonnées, voire même escarpées à certains endroits, rendant délicat le passage à cheval.
Ca et là, ils rencontraient des troupeaux de moutons qui pâturaient tranquillement sans se soucier le moins du monde de ce qui pouvait bien se passer.
Les gens s’affairaient également aux moissons et récoltaient le blé et l’orge. Ils ignoraient probablement ce qui se passait aux frontières du comté et il en allait mieux ainsi.

Au sixième jour de leur périple, les cavaliers avaient passé Killarney et se dirigeaient vers Kenmare. Les chutes d’eaux se trouveraient sur la route. Ils touchaient à leur but.
Cadfael avait appris de Gaztibelza que sa nièce vivait dans une chaumine sur la Torc Mountain. Il ne serait peut-être pas difficile de la localiser.

Arrivés au pied de la montagne, ils mirent pied à terre. Impossible d’aller plus en avant avec leurs montures. L’environnement était surprenant. Une forêt quasiment impénétrable s’étendait devant eux et des éboulements rocheux témoignaient de l’hostilité du milieu. Au loin, le brame d’un cerf se fit entendre, comme pour mieux habiller le silence.

Ils s’engagèrent dans les frondaisons et, au bout de quelques centaines de mètres, l’ambiance changea.
Des pierres rondes, relativement glissantes, recouvraient le sol. Les bois denses laissaient la place à des arbres plus frêles et aux troncs noueux. Les mousses et les lichens tapissaient le sol et l’on entendait l’eau s’écouler dans les interstices rocailleux.
Les rais de lumière qui franchissaient ponctuellement la barrière végétale conféraient à ces lieux une atmosphère magique.
Innocent les devançait, sautant allègrement d’une pierre à l’autre, les guidant comme s’il avait compris ce ou qui ils cherchaient.

Après une heure de marche, la forêt disparaissait pour laisser la place à une falaise relativement abrupte. Ils arrivèrent sur une corniche surplombant le Lough Leane, lac majestueux s’étendant en contrebas.

Alors qu’ils poursuivaient leur cheminement, et pour une raison qui restera à jamais inexpliquée, Beonir trébucha.
Cherchant désespérément à s’agripper à quelque chose, il bascula par-dessus l’escarpement rocheux.
Vu la hauteur et la nature du sol, la chute serait mortelle.

D’un réflexe éclair, Cadfael saisit sa baguette, qu’elle conservait constamment dans sa manche, et la pointa vers son frère.
Instantanément, une bulle resplendissante de clarté se forma autour du corps de Beonir,
Sa chute était progressivement ralentie puis, rapidement, le voleur se mit à remonter sous l’impulsion de l’incantation prononcée par sa sœur.

Innocent se pencha au-dessus du parapet et, avec un regard médusé mais néanmoins rassuré, constata qu’il était toujours en vie.

Derrière eux, une voix se fît entendre : « Vous êtes très douée, mon amie ! »
_________________
Beonir : voleur, chapardeur, aigrefin, coupe-jarret, escamoteur, filou, larron, maraudeur, rapineur, scélérat, tire-laine, ....., et alors ?

Grand Chambellan de la confrérie de la Main verte
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