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**MORLA**

A son réveil, Morla alla chercher Ambre qui avait préféré revenir à la forteresse dès que son maître s’était retrouvé avec des sabots plus jolis que les siens. Elle l’enfourcha et sans réfléchir prit la fuite, laissant la cité se relever doucement mais victorieuse de sa dernière bataille.

Affaiblie par la lutte qu’elle venait de mener, elle se sentait vide mais dans sa tête raisonnait encore un cri qui appelait une image qu’elle s’efforçait oublier : celle de Partek, mort à sa place. Un acte héroïque qui se noyait dans l’effort collectif. C’était donc cela mourir pour la loyauté qu’on aime sans penser que payer de sa vie est un sacrifice trop élevé.

Les derniers évènements l’avaient mise à bout de souffle. Elle avait besoin d’un sanctuaire, d’un lieu isolé où sa sensation d’être uniquement perdue dans sa solitude pouvait disparaître. Elle conduisait donc Ambre vers des arpents de néant, au-delà de Yaeth, vers les fameuses terres inconnues.

Seulement, en chemin, dans l’écorce dure de la douleur qui l’accablait, s’infiltra la colère.

Une colère, tel un lac de feu, qui annihilait tout ce qu’il y avait de bon en elle, qui la dominait totalement au point qu’elle n’avait en tête plus que l’envie de s’en libérer. C’est là qu’elle décida de changer sa destination et elle fonçait désormais vers un autre territoire….un territoire ennemi, seule, habitée par cette folie qu’est le désir de vengeance.

"Allons au-delà de l’empire !!!" s’écria-t-elle et elle serra les poings rageusement.

Le chemin vers la forêt était assez périlleux et Morla se retrouva rapidement face à quelques ravines délicates à franchir. Elle refusait néanmoins de se laisser inquiéter par ces imprévus et c’est à pied qu’elle guida Ambre dans cette descente au terme de laquelle une surprise l’attendait.

Des loups…….

Qui attendaient leur festin……

L’imprudent qui oserait s’aventurer sur leur territoire……

Elle se remit en selle et fit face à la meute de loups en attente. Ambre, qu'elle sentait très sûr de sa puissance, se cabra et se lança ventre à terre vers les yeux sanguinolents d'une faim jamais éteinte. Littéralement couchée sur l'étalon, Morla s'était agrippée à sa crinière et de l'autre main elle frappait comme une furie les chairs animales de sa lame, avec une froide détermination. Ambre, mordait de toutes ses forces les bêtes qui tentaient de refermer sur lui leurs gueules d'acier.

Une fois franchie cette horde de damnés qu'elle avait laissé trempés de sang, Morla se redressa sur ses étriers, l'âme partagée entre une joie sauvage et un désir de mort : l'instinct de survie....Ambre galopait toujours.....

Isabeult, son faucon avait été envoyé en éclaireur et la guidait en écartant les contrées déjà foulées par la troupe des zhoms.

Les quelques centaures qu’elle commençait à croiser, la dévisagèrent avec intérêt parfois et agressivité le plus souvent mais aucun ne s’était lancé à sa poursuite.

Une journée entière s’était presque écoulée quand soudain, le faucon piqua brutalement vers elle, il était au Nord Est, plus très loin à présent. Ambre sentit le changement d’atmosphère à la façon dont sa cavalière s’était raidie et ralentit l’allure.

**Phoebus**

Les nouveaux compagnons de Phoebus étaient discrets et courtois. Il s''était habitué rapidement à cette atmosphère pesante, l'oisiveté semblait être la règle .. Cette quiétude il était venu la chercher.

Faute d'activité guerrière les sens olfactifs de Phoebus s'étaient considérablement développés. Il humait instinctivement et percevait
précocement le danger.

Soudain, son ouïe exercée perçue le galop d'Ambre. Le mélange familier et subtil des effluves de l' animal et de sa cavalière lui chatouillèrent le museau.

Phoebus réalisa quand il distingua la silhouette sur l'étalon.. Elle venait pour lui. Mais il ne sait pourquoi, peut-être avait il également développé un sixième sens, un sentiment d'effroi l'envahit.

**MORLA**

Progressivement, le contact visuel s’établit, de plus en plus net,……….la transformation était saisissante. Elle ne réalisait pas qu’elle présentait à sa manière un curieux spectacle, des tâches de sang souillaient ses vêtements, ses yeux étaient de couleur cendre et des morceaux de chairs étaient répandus sur ses épaules et dans ses cheveux. Sur le coup, Phoebus eu presque du mal à reconnaître sa compagne des grands chemins. Outre son regard, la pâleur de ses traits rendait sa peau presque translucide, toute trace d’espièglerie avait disparue.

*Morla*…dit-il d’un ton indéfinissable lorsqu’elle fut devant lui………

A sa voix, la rancoeur déferla comme une vague.

Phoebus !!!…tu n’es qu’un lâche !!! …des hommes sont morts hier … tu n’étais pas là pour défendre tes compagnons de toujours…tu as renié ton peuple et tes amis !!!…tous ceux qui étaient prêts à mourir pour toi s’il le fallait !!!… tu vas payer pour cela !!!.

Elle sauta à terre et leva ses bras en murmurant une formule runique pour lancer de toutes ses forces le sort de boule de feu. Les yeux de Phoebus s’écarquillèrent mais il ne cilla pas, il laissa juste échapper une courte plainte lorsque la boule d’énergie l’atteignit sur le flan.

**Phoebus**

Quand le crépitement de la boule de feu en formation l'avertit du danger, l'incompréhension le gagna.
Il ne chercha pas à éviter le projectile. Ses sabots arrières se dérobèrent à l'impact. Il se retrouva affalé sur son arrière train dans une position grotesque.
Il n'avait jamais ressenti de douleur aussi intense. Le feu semblait le consumer de l'intérieur.
Il leva doucement les yeux. Il resta longtemps à la contempler. Elle offrait une vision irréelle presque animale, maculée de sang, chevelure défaite, ...La guerrière prenait la place du petit scarabée..Il ne reconnaissait plus l'enfant qui s'amusait alors qu'il lui enseignait l'art du combat . Elle était prête ..
La transformation était saisissante, le petit scarabée n'existait plus. Face à lui, arrogante du haut de sa magnificence, elle le dominait. La mort ne lui faisait pas peur, il l'attendait. Elle allait lui amener la délivrance,
et Morla pourrait l'oublier.

Mais quand leur regard se croisèrent il compris qu'elle ne le haïssait pas comme il l'aurait souhaité.
Celui de Phoebus implorait qu'elle finisse son œuvre, qu'elle mette enfin un terme au mythe du chevalier blanc.
Au combien il comprenait sa colère ... Il l'avait trahi, abandonnée.
Il ne méritait, ni ne souhaitait aucune compassion ..

**MORLA**

C’est alors que toute l’horreur de son geste percuta sa conscience et englouti la rage qui l’avait menée jusqu’ici. Les mains crispées, dans un silence épouvantable, Morla s’approcha de la plaie qu’elle venait d’ouvrir, hypnotisée par la chair calcinée. Tandis qu’elle s’approchait de lui, sans le regarder, elle assimila ce qu’elle venait de faire et dû admettre l’attachement qu’elle éprouvait malgré tout pour son mentor. Elle prit un onguent et s’appliqua à le passer, très doucement afin de limiter les effets de la brûlure. En explorant ainsi cette autre partie de lui-même, elle prit conscience d’une nouvelle vérité : il aurait pu détourner ce sort sans difficulté, il avait choisi de la laisser donner une matérialité à sa peine.

Le temps resta en suspens et cela lui paru insupportable….elle leva enfin les yeux vers lui….il était immense maintenant. Quelque chose dans son regard avait changé mais elle n’y voyait aucun mépris, juste une immense tristesse qui s’accommodait mal avec la trahison…et pourtant.... le fait était là….il n’était plus des leurs.

Elle se plaça devant lui et appuya sa paume contre sa poitrine. Combien de temps s’était écoulé avant qu’elle ne s’autorise à se blottir contre lui pour pleurer….elle ne saurait le dire.... la vengeance est faible et ne soulage ni la peine, ni la colère … elle lui avait juste permis de les exprimer.

**Phoebus**

Le silence les enveloppa et quand Morla se blottit sanglotant contre sa poitrine, elle ne vit pas qu'il fermait les yeux tentant désespérément de retenir ses émotions ...
La chaleur de ce corps frêle lui procura une sensation de bien être indescriptible. Apaisé, il s'entendit lui répondre :
"Ne pleures pas Morla, j'espère qu'un jour tu me pardonneras .... J'ai échoué et je ne suis pas digne de mon peuple .."
Il ne pouvait lui exprimer, ni lui faire partager l'ampleur de sa peine, la nouvelle épreuve qu'il traversait, son besoin de recueillement, cette confusion extrême qui l'habitait.
Il osa poser délicatement un baiser sur son front et lui dire :
"Tu me manques petit scarabée, mais le coeur de Phoebus ne changera pas. L''apparence physique est trompeuse. Il te faut retourner prés de ton peuple. ...."

Ses dernières paroles presque imperceptibles s'envolèrent. Il perdit connaissance ..