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Lâ çôllîsiøn.

 
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Guilhem
archiduc
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MessagePosté le: 27 Déc 0:50    Sujet du message: Lâ çôllîsiøn. Répondre en citant

Tóì qüï ñ'ás þëûr des môñstrés qû'en çoñståtänt léurs mÿstères,
Tói qùî ñé vôïs þas lâ bêäütè dàns ùñ combãt ìnùtîlé,
Tóì qüî ñê võîs lã brâvòúrë qùe dàns lã réússíte ët l'ãcçümùlàtiòñ,
Tôí quî råtìöñnes et ñê þeñsés pãs ä l'iñstãñt prêsënt,
Töí qüî ne trôúvês þas tã deméürë ét qûì ígnörès þöúrqüoï,
Töï qûï në réssèns qúé l'añgôîssê du tëmps,

Et éñfïn,

Tõí qüì, tëtè soümíse, ñ'ôsës äffröñter l'ãrmêè qùí vêut vïölér tã fémmé,

Écoùtë cêttè hístöíre, ellê t'est dèdïèè.
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Guilhem
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MessagePosté le: 27 Déc 0:52    Sujet du message: Répondre en citant

Introduction

C’était un petit fief au sud de Bruhër et à l’est des vastes et dangereuses plaines du Yutlán. Les orages y étaient fréquents. Les récoltes toujours rares, la terre avare et gelée une bonne partie de l’année. Il était facile de reconnaître ces lieux. De chaque côté de la route menant à Ragnärès, des paysans en haillons piochaient en cadence sur leur lopin de sable et de cailloux. Irrémédiablement pauvre, conquis peu à peu par de mornes sapins, la région survivait, handicapée par les razzias des soldats de la baronne et par l’ambition de quelques marchands à dents d’or.

Près du village de Ragnärès s’élevait une esplanade couronnée d’un château fort de petite aristocratie. Ce dernier était coquet, mais pas ambitieux ; habité par la grande famille du lieu – les Dupéiens, des banquiers qui s’étaient fait nobles – il illuminait le village la nuit, mais restait bouche béate et sombre le jour, comme si le donjon vivait à l’envers le cycle du soleil et de la lune.

Le baron, homme cruel obsédé par la collection de grimoires, était décédé depuis peu. L’esprit troublé par l’huile de mandragore, il avait sauté en bas du parapet de sa demeure, qui faisait trois pommiers de hauteur ; noyé dans les douves, face dans la boue, il avait laissé son corps se décomposer avant de réapparaître une dernière fois en songe à l’une de ses deux filles : la mort ne lui avait pas apporté la sagesse, et entre ses mandibules d’os s’articulèrent, dit-on, quelques étroits mais rationnels mots.
— Mes biens sont deux. Ils sont mon territoire et mon pouvoir. L’une de mes filles héritera de ma force et l’autre de mes moyens. Je le veux ainsi.

Le sort en était jeté. Quelques jours après la disparition du baron, une des Dupéiens partait avec les grimoires du vieux fou, et l’autre restait, œil unique sur la terre ingrate du fief.
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Guilhem
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MessagePosté le: 27 Déc 22:13    Sujet du message: Répondre en citant

Iphigénie. Des deux, elle avait hérité du pouvoir. Comme son père, elle était obscure, peu bavarde et répondait aux injures par un simple sourire sardonique rempli de menaces. Isolée, c’était une vagabonde folle ; mais au château, elle était dangereuse. Dans le laboratoire de son aïeul, elle concoctait des élixirs mystérieux, et la nuit, sur le chemin de ronde, elle prononçait des paroles infectes. Pour écarter le risque de sa déchéance, on l’avait forcée à partir en forêt ; elle avait amené la bibliothèque avec elle, dans une petite caravane noire cendre, tirée par une jument à qui on avait coupé les oreilles.

Elle vécut isolée ainsi du village durant plusieurs années, accroissant ses connaissances, mourant un peu chaque jour, ignorant les médisances et misères de Ragnarès, qui se voyait chaque jour de plus en plus pénétrée par la puissance des Êtres Sombres, ces créatures ayant surgi d’on ne sait où mais qui, brigandages après brigandages, concurrençaient la nouvelle baronne dans l’accumulation de butin. Dans son ermitage, Iphigénie conversait avec des démons exilés, mangeait des couleuvres et des insectes, l’esprit ensanglanté par la magie noire.

Une nuit de pleine lune, alors que les loups s'entredéchiraient l’horizon, Iphigénie avait accueilli une succube dans son sommeil solitaire, exerçant avec elle un rituel instinctif et lascif. Comme la glace fond, comme le nuage s’allie au feu, elles avaient ensemble provoqué, dans la haine réciproque mêlé au désir, la collision entre deux races de fer et d’airain… Et une étincelle avait jailli.
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MessagePosté le: 28 Déc 16:56    Sujet du message: Répondre en citant

— Je te baptise Guilhem. Parce que plus tard tu seras mon protecteur.
L’enfant surgi de l’invisible, petit humanoïde monstrueux à la peau ocre, était né quelques mois plus tard. Oreilles crochues en forme de larmes, nez anxieux, joues maigres et brûlantes, il semblait déjà sur le point de s’écraser sous le poids de la vie… Il ne sentait courir en lui que le sang de deux mères, l’une sorcière et l’autre… l’autre… transpercée par l’angoisse du temps et du souvenir de l’enfer.

Guilhem fut trop faible pour être protecteur ; il fut serviteur. Dans les années qui suivirent, il apprit du mieux qu’il put à reconnaître les plantes, à estimer les mesures et à compter le temps divisé en longueurs d’ombres, en odeurs et en battements de cœur. Vide de tout désir, de toute pensée, il ne voyait pas la beauté des fleurs, n’entendait pas la musique du bruissement des feuilles et ne sentait pas la chaleur de la terre grouillante. Seulement, il obéissait sans se poser de questions.

Un foie de perdrix se demande-t-il des choses en pourrissant ?


Dernière édition par Guilhem le 17 Déc 21:14; édité 1 fois
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MessagePosté le: 30 Déc 5:22    Sujet du message: Répondre en citant

Les brigandages des Êtres sombres avaient cessé quand les demi-chevaux apparurent dans la région. Plus hostiles encore mais moins acharnés dans leur œuvre de destruction, ils avaient investi toutes les forêts environnantes et en défendaient jalousement l’accès. Le territoire d’Iphigénie faisait alors figure d’enclave et personne, sauf les âmes désespérées par le sort, n’osait l’approcher. Mais un jour, alors que Guilhem cueillait des fougères rouges, les oiseaux se turent et un bruit de cavalcade emplit la forêt. Le jeune esclave crut bon d’avertir la vieille harpie de l’intrusion et laissa là sa besogne.

Quand il arriva au taudis, cependant, un spectacle terrible l’accueillit ; sa mère était étendue sur le sol, une écume brune aux lèvres et les yeux fixant le néant. Guilhem, indifférent de la mort de sa génitrice comme celle-ci l’avait été de sa naissance, la traîna jusque dehors. Sous le soleil, il aperçut un objet briller dans sa main ; il l’en extirpa. C’était un genre de grande cuiller de cristal. Il contempla l’outil au soleil. Étrangement sombre malgré sa transparence, il semblait absorber une partie de la lumière de l’astre du jour, comme un fragment d’ombrite.

Guilhem fut tiré de sa torpeur par ce qui lui sembla être un bruit de cliquetis métallique. Il leva les yeux et aperçut trois grands hommes en armure, lances en mains, s’approcher de lui prudemment.
— Vous avez peur du gamin ou du cadavre ? demanda-t-il.
Il était nullement inquiété de la présence des hommes, maintenant que sa mère n’était plus en état de le punir de sa négligence. Les soldats, comme rassurés par l’insolence, baissèrent leurs armes. La chose était donc civilisée.
— Tu viens avec nous, dit l’un d’eux.
Puis il fit signe à un autre de ramasser le déchet humain.
— Disons à la baronne que nous l’avons étranglée. Elle sera heureuse du dénouement de cette histoire et récompensera ses chevaliers.
— Et pour la potion ? répliqua un autre.
— Peu importe maintenant, nous revenons à Ragnärès couverts de gloire.
Les hommes hissèrent, non sans une certaine répugnance, Guilhem sur une des juments de la sorcière et investirent la chaumière. Quand ils ressortirent, les bras chargés de quelques flacons, une fumée noire se dégageait de l’intérieur.

Quand le petit être ocre, monté sur le même cheval qui traînait le corps d’Iphigénie attaché par les pieds à une corde, jeta une dernière fois un regard derrière lui, il ne vit que feu, brume et poussière. Quand il reporta ses yeux vers l’avant, ses mains se serrèrent sur la croupe de sa monture. Lui qui auparavant n’avait rien ressenti, il avait soudainement découvert l’émotion vide de l’amertume.
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MessagePosté le: 02 Jan 17:46    Sujet du message: Répondre en citant

***

Le corps d’Iphigénie fut pendu au clocher du temple de Ragnarès. La baronne, sentant son pouvoir s’affaiblir de plus en plus avec l’expansion d’influence de la fédération humaine, avait recours à l’exemple pour s’assurer la crainte et la collaboration de ses sujets. Cependant, ceux-ci se réjouissaient plutôt de la mort de la sorcière, lui attribuant mauvaises récoltes et accidents mortels. Sa pendaison post-mortem à un édifice religieux était donc perçue comme un exorcisme, comme une bénédiction.

Quant à Guilhem, quand il arriva au château de sa tante – qui hésitait à le reconnaître comme son neveu, vu son apparence marginale – il fut accueilli par de misérables serviteurs travaillant dans la lice boueuse. Les soldats le firent descendre brutalement de cheval et l’emmenèrent à l’intérieur du donjon, suivis de près par les serviteurs avides et antipathiques. Quand ils le pouvaient, ils le tourmentaient, injuriant le pauvre garçon et bousculant les chevaliers.
— C’est un démon, j’en suis certain, dit l’un d’eux.
— C’est un hybride. Regardez ses oreilles ! Et il n’a pas de cornes.
On tira les cheveux de Guilhem pour s’en assurer. Il y avait de petites bosses incongrues, mais pas de cornes. Les soldats écartèrent les serviteurs à coups de gantelets. Les vilains suivirent le cortège de plus loin.
— C’est un elfe !
— Impossible, il est bien trop laid.
Le débat prit fin sur ces paroles. Un chevalier, excédé, avait tiré une épée pendant que les autres s’engouffraient avec le petit monstre dans le vestiaire de la grande salle.

La baronne, qui trônait sur un siège de bois très blanc, regarda ses sbires entrer avec leur prise de la journée, l’air plus songeur que réjouit. Maintenant que sa sœur était décédée, elle ne pouvait plus justifier ses incursions en forêt aux Centaures, et si sa joie de voir Iphigénie pourrir au bout d’une corde comblait parfaitement la disparition du prétexte, la conduite de ses chevaliers (qui s’étaient décidés à en découdre avec la sorcière sans l’avertir au préalable) et l’arrivée de son « neveu » compliquait la situation. Jusqu’à maintenant, égorgeant maris et prétendants, elle avait bien su garder ses hommes loin du pouvoir ; mais Guilhem, du même sang qu’elle, était techniquement son héritier… et donc inattaquable.
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MessagePosté le: 05 Jan 20:55    Sujet du message: Répondre en citant

Ce qui arriva par la suite.

On enferma tout d’abord Guilhem dans un des appartements du donjon, précisément celui dans lequel avait habité Iphigénie des années plus tôt. Quelques Inquisiteurs, quelques jours plus tard, répondirent à l’appel de la baronne ; les mages examinèrent le gamin, tâtèrent ses oreilles, lui firent subir une saignée, puis testèrent sa réaction à plusieurs substances. Après quelques heures de délibérations, ils se présentèrent finalement à la tante du petit monstre. Le plus vieux d’entre eux, un vieil anatomiste de la faculté de Narsémis, prononça d’une voix chevrotante :
— Le jeune Guilhem n’est pas un hybride au sens où les lois l’entendent, baronne. Il n’est pas le produit d’un père démon et d’une mère humaine, ou l’inverse. Il semblerait que votre sœur se soit fécondée elle-même, par un stratagème inconnu, et que l’influence démoniaque ne soit intervenue que pour favoriser la réussite de cette conception en solitaire (tout en pervertissant les chairs de l’enfant). Il semble bien souffrir de déformations et d’une indifférence inhumaines, mais nous ne pouvons pas, malheureusement, lui retirer ses droits.
La baronne, qui avait pâli étrangement depuis le début du discours, répliqua :
— Il deviendra donc baron ?
— Vous connaissez les lois, répondit un autre membre du comité. Quand il aura quatorze ans, comme il est le plus vieux descendant masculin de votre aïeul, vous devrez lui céder les droits sur le fief.

La baronne changea de couleur et son visage prit une teinte plus pourprée. Les Inquisiteurs, ne faisant pas grand cas de son éventuelle crise, présentèrent à la baronne le sceptre du pouvoir de la fédération humaine.
— Inclinez-vous maintenant devant le symbole impérial.
La baronne, tremblante de colère, s’inclina et les envoyés, gênés d’avoir dû interpréter ainsi la coutume, se retirèrent. Ainsi, pensa la Dupéienne, il n’y avait pas moyen de se débarrasser de l’indésirable… Désespérée, elle s’écroula sur son siège, redoutant de voir, du jour au lendemain, son pouvoir remis en question. La loi humaine avait parlé, mais les divisions étaient grandes partout, et peut-être oserait-on, dans peu de temps, s’offusquer de l’existence d’un héritier appartenant à une sous-race. Et en admettant qu’on la laissât en paix jusqu’à la majorité de son neveu, elle perdrait tout de même l’autorité sur son fief… Cela était inacceptable. Elle devait trouver le moyen d’éliminer Guilhem. Elle se leva soudainement, revigorée par l’éclair d’une idée infaillible. Un plan avait germé et donné fleurs et fruits en l’espace d’une seconde.

Il lui faudrait s’armer de patience en attendant l’arrivée du moment opportun pour en finir avec le monstre.


Dernière édition par Guilhem le 07 Jan 22:22; édité 1 fois
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MessagePosté le: 07 Jan 22:22    Sujet du message: Répondre en citant

Après

Guilhem vécut quelques années au château de Ragnärès sans trop d’effervescence, se contentant de découvrir, une à une, les émotions négatives des Hommes. Un regard vers la forêt avoisinant le village lui avait fait ressentir le regret et la nostalgie, les insultes avaient fait surgir en lui la honte et la haine et un raid des Êtres sombres, manquant de ravager la région, lui avaient inculqué la peur et le désespoir.

Les créatures de feu, déferlant dans les pauvres plaines, avaient en effet livré bataille aux Hommes et aux nains de Brüher ; il en avait résulté la capture de Guilhem, qui avait eu la malchance d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Après l’avoir humilié, on l’avait finalement relâché : et cette libération douteuse avait eu tôt fait d’amener la suspicion sur le jeune héritier.

Quelques années passèrent, et Guilhem, solitaire, apprit à lire et à monter à cheval, pillant ici et là un traité de philosophie à sa tante, fréquentant en secret les écuries du château. Mais la plupart du temps, il errait dans le village tel un fantôme, une expression antipathique et grave au visage. Sur son passage, on interrompait le travail et on le regardait comme un mauvais présage avant de retourner à la besogne. Le jeune être ne déambulait ainsi pas sans but, en fait : et s’il ne préparait pas de mauvais coups ou de mauvais sorts, comme se l’imaginaient les villageois, il combattait toutefois les voix intérieures et les impulsions violentes qui lui attiraient des ennuis depuis son arrivée à Ragnärès. Trouvant un exutoire physique dans la marche, il occupait son esprit en récitant le nom des plantes, des oiseaux et des pierres, puis en leur attribuant une quelconque vertu.

Un soir, alors qu’il revenait de la rivière, qui avait vu son débit se réduire à celui d’un ruisseau depuis que les Êtres Sombres avaient presque tari sa source, il vit s’élancer sur la route poussiéreuse une escadre de cavaliers dont les armures flamboyaient sous l’éclat du soleil couchant. Guilhem, impressionné par leur prestance, les suivit de loin. Quand les chevaliers arrivèrent devant le pont-levis du château de Ragnärès, il faisait complètement nuit ; les plates protectrices des inconnus avaient revêtu le même manteau que le firmament, reflétant, bleutées, la vague lueur des astres. Ils n’avaient aucun point en commun avec les rustres gardes aux cuirasses de cendre de la baronne, ils semblaient au contraire nobles, leurs armes étaient lustrées, leurs étendards azur purs de toute imperfection et leurs montures, tous de grands étalons musclés, se dressaient comme des colonnades à côté de Guilhem, qui les ayant rattrapés, se dissimulait maintenant dans les fourrés.

Les cavaliers ôtèrent leurs heaumes et l’un d’eux héla un garde sur le rempart. Peu après, la herse monta doucement et ils s’engouffrèrent dans l’ouverture. Guilhem emprunta furtivement le même chemin qu’eux et déboucha dans la cour, qui était beaucoup mieux éclairée. C’était la fête des moissons et on avait allumé de grands feux.
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MessagePosté le: 10 Jan 23:14    Sujet du message: Répondre en citant

— Madame la baronne, nous sommes désolés d’apparaître en pleine fête de la moisson, mais la situation est grave et nous n’avons pas trouvé d’auberge où loger.
C’était un homme fier qui venait de parler. Sans aucun doute un officier supérieur. La garde de l’épée qu’il portait au flanc était recouverte de feuilles d’or et de pierres précieuses.
— Qui êtes-vous donc? demanda la baronne.
Jusqu’à pas si longtemps, son fief, trop isolé pour en valoir la peine, avait échappé au contrôle de la fédération humaine, dont le gouverneur était ici un illustre étranger. L’officier, prenant tout à coup conscience du contexte de sa venue, se rapprocha de la femme. Il y eut un signe de malaise parmi ses subalternes.
— Je suis Sparda, dit l’homme. La fédération humaine est prise en tenaille par les conquêtes des Êtres Sombres et nous levons une armée pour provoquer une débâcle sur les frontières. Nous sommes venus recruter vos guerriers.

La baronne sourit. Le noble arrivait juste au bon moment.

— Bien, dit-elle. Vous trouverez ici de nombreux braves prêts à se battre et à mourir pour la patrie.

***

Le lendemain, Guilhem était armé et prêt pour le départ. Il ne comprenait pas pourquoi sa tante lui avait accordé la faveur de le considérer soudainement comme un homme. Était-ce un défi lancé à son courage naissant ?

Son équipement, qui la veille était encore tout rouillé, brillait ce jour-là : Guilhem avait passé la nuit à frotter son épée et à nettoyer sa cotte de maille dans un immense sac de sable. Ses mains étaient en sang, ses oreilles coincées dans son casque, mais il ressentait une légère sensation d’accomplissement. Pour la première fois, il avait l’impression de faire quelque chose pour lui, il sentait qu’il n’était plus un boulet attaché aux pieds de la baronne.

Le cortège était composé d’une vingtaine de fantassins et de onze cavaliers. Devant Sparda et ses hommes, six chevaliers de la baronne, salués par un tonnerre d’acclamations, puis le jeune hominidé, sur son cheval aux oreilles coupées, que personne ne reconnaissait sous le casque à nasal ; on ne pouvait deviner son exotisme qu’en observant bien la chaude pigmentation de sa peau.
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MessagePosté le: 17 Jan 0:23    Sujet du message: Répondre en citant

Avant que l’officier humain ne monte lui aussi à cheval, la baronne lui retint le bras et chuchota :
— Il y a parmi ces hommes trois traîtres et un être perverti. Pour le bien de la fédération humaine, ils doivent disparaître. J’ai écrit leurs noms sur ce morceau de parchemin.
La femme glissa la parcelle de document dans la main de Sparda.
— Mettez-les au premier rang, continua-t-elle. Ils seront rapidement vaincus et nous n’entendrons plus jamais parler d’eux.
Sparda regarda le minuscule chiffon dans sa main sans mettre mentalement en ordre les symboles et les mots qui y étaient gravés.
— Sur le front, il n’y a plus de traîtrise qui tienne, baronne. Vos divisions internes m’importent peu.
Il jeta le manuscrit dans la boue avant de passer ses pieds dans les étriers.
— Hého, cria-t-il en direction d’un soldat qui s’était attardé pour donner une marguerite à une jeune fille. Nous partons.
Le soldat fit un signe de la main et se mit en marche.

La petite armée s’ébranla. Les piques claquaient contre les boucliers, les guerriers chantaient leur gloire prochaine, la vase virevoltait sous les sabots et les nuages, sous un vent léger, laissaient paraître ça et là un vague morceau de ciel délavé.

La baronne, ahurie par le mépris de Sparda, restait figée. Le recruteur humain ne s’était pas rendu compte du danger. Il n’avait même pas senti l’impureté qui se dissimulait sous les heaumes.


Dernière édition par Guilhem le 22 Jan 6:03; édité 1 fois
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MessagePosté le: 22 Jan 6:02    Sujet du message: Répondre en citant

Il était midi mais les ombres étaient encore efflanquées. Le soleil, bas, se masquait du visage d’une étoile pâle et malade ; tout juste bon à dégeler la gadoue, son arrivée en cette saison se faisait toujours discrète. L’aube, en général, était de toute façon toujours médiocre, et parfois les chouettes, ne se rendant pas compte de l’arrivée du jour, hululaient jusqu’à quatorze heures.

La troupe de soldats de la fédération humaine savait toutefois réveiller le jour à leur façon : l’éclat de leurs boucliers, la brutalité de leur cadence, tout chez eux rappelait le printemps qui suit mille ans de neiges. Pour une fois, Guilhem ne faisait pas exception, il était lui aussi bien exposé à la lumière et la seule chose qui l’empêchait de chanter était cette incapacité de mettre en ordre paroles et tons : la musique n’avait pour lui aucun sens, elle était un ramassis d’expressions incompréhensibles et imprévisibles. Peut-être après tout cet art n’était que l’imitation de la nature, le craquement des branches d’arbres, le vent dans les grottes, le dialogue des oiseaux. Des bruits qui faisaient défaut aux hommes des villes.
— Si je ne ressens aucun besoin, je ne peux pas avoir besoin de musique, pensa Guilhem, dépité.
Il ne se rappelait pas avoir soudainement autant pris conscience du vide qui l’affligeait, qui faisait de lui une boîte à échos, une citrouille séchée.

Le jeune être, lourd d’angoisse, allait tomber de cheval quand le chevalier à la marguerite arriva à sa hauteur. Son heaume retiré libéra une longue chevelure blonde. Guilhem, pas du tout stupéfait malgré cette découverte inattendue, salua la créature qui se révélait être une jeune femme.
— Je me nomme Guilhem, fils d’Iphigénie. Je vous salue bien humblement.
La jeune femme sourit aimablement. Elle chuchota « il savait » et tenta de percer le regard de l’autre, qui avait également mis son couvre-chef de côté, laissant dépasser ses immondes appendices auditifs de ses cheveux en bataille.
— Appelle-moi Aracy, dit-elle. Et je t’en prie, ne me vouvoie pas.
— J’y penserai à l’avenir, dame Aracy, répondit Guilhem avant de se replonger dans la contemplation de son néant interne.
Il croyait que l’affirmation de sa difformité suffirait à clore la discussion. Au contraire.
— Je n’ai pas beaucoup d’expérience encore, fit-elle. Je commence.
Cela se voyait. Pas très costaude, elle flottait dans sa carapace d’acier. Peut-être n’était-elle même pas constituée pour porter cet accoutrement. Enfin, le temps allait laisser une voie se dessiner pour elle.
— J’apprends beaucoup en observant les autres chevaliers. Mais comme je suis une femme, tout est différent.
Guilhem crut ressentir de l’amusement en entendant ces paroles. Non. Ce n’était rien. L’étincelle d’émotion n’avait laissé qu’une fumée floue.


Dernière édition par Guilhem le 09 Mai 4:39; édité 1 fois
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MessagePosté le: 27 Jan 6:44    Sujet du message: Répondre en citant

La journée se passa sans autre rencontre pour Guilhem, et à la tombée de la nuit, Sparda leva le bras et stoppa son cheval.
― Nous sommes déjà au point de rendez-vous, cria-t-il à ses soldats. Demain matin, deux mille hommes des bourgs et des baronnies de la région se grouperont dans la plaine, ici même.
Un des chevaliers de la baronne Dupéiens s’approcha de Guilhem.
― Ici, c’est la frontière entre la sécurité et l’aventure, dit-il en donnant une tape à sa monture. De l’autre côté du champ, c’est la savane à perte de vue, un territoire plat et rapide à traverser une fois le sol gelé. Le territoire de prédilection des Êtres Sombres. Il y a de la place pour se battre, mais pas pour s’organiser. Nous serons sensibles aux embuscades. Ce que nous verrons en ces lieux est loin des escarmouches auxquelles nous avons participé à Ragnarès.
Le jeune volontaire regarda au loin. Le champ semblait lui-même ne pas avoir de fin.

Deux autres chevaliers de Ragnarès s’avancèrent dans la pénombre. Guilhem les reconnut.
― Pourquoi m’avez-vous enlevé, le jour de l’équinoxe? demanda-t-il avec une neutralité désarmante. Pourquoi avez-vous pris le risque de vous faire prendre par les demi-mules? Possédais-je une quelconque valeur marchande?
Les chevaliers se regardèrent en silence, graves.
― Nous souhaitions acheter un poison à ta mère, avoua l’un d’eux.
Furtivement, les yeux de Guilhem interrogèrent les guerriers. On comprit sa question.
― Pour la baronne. Nous voulions la faire disparaître et partager le pouvoir ensuite.
― Cela n’était pas servir Ragnarès avec fidélité, coupa Guilhem.
― Après des années de service, nous n’avons récolté que famine et malheurs sur nos familles. La baronne était ingrate.
La troupe, rassurée par les éclaireurs, se détendit en une vague de soupirs et de cliquetis. Les cavaliers descendirent de cheval, les fantassins couchèrent leurs sarisses. Un des chevaliers de Ragnarès continua de s’expliquer.
― Mais j’ai bien peur qu’aujourd’hui, nous payions le prix de notre ambition, dit-il en se grattant la barbe. La baronne nous a forcés à participer à cette campagne. Jeune Guilhem, nous sommes maintenant réunis par le sort des armes, en tant que victimes des Dupéiens et en tant que serviteurs de Thor!
Puis il posa fraternellement sa main sur l’épaule de l’être difforme. Celui-ci se dégagea.
― Vous vous trompez, dit-il en cachant le retour de son amertume. Je ne suis avec personne.

Guilhem libéra les brides de sa jument et marcha jusqu’à l’orée d’un bois proche. Il dépassa quelques soldats occupés à casser des branches de chênes à coups d’épées, histoire de faire du feu, et atteignit une clairière de mousses. Il se coucha au centre, examinant la course des lucioles, qui, endormies par le froid, volaient d’un vol chancelant. Après quelques minutes de contemplation, il entendit du bruit dans les fourrés : il aperçut une jeune femme blanchie par la lumière de la lune. Aracy. Elle errait dans les bois à la recherche de rien, d’un rêve. Une âme perdue, songea Guilhem en oubliant la solitude de son propre délire.


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MessagePosté le: 06 Fév 4:24    Sujet du message: Répondre en citant

Guilhem ne sut jamais combien de temps il dormit dans les fougères mortes. Il faisait encore nuit quand il s’éveilla : mais une lumière intense, orange et scintillante, couvrait le ciel. Il ne faisait plus aussi frais, les crapauds ne chantaient plus et l’odeur même des tilleuls s’était enfuie. Le jeune être se leva en un bond et mit la main sur son épée.

Des crépitements, de la fumée, des cris. Le camp était attaqué.

Guilhem, lame au clair, pénétra dans les fourrés, suivant l’odeur acre de la chair et du bois brûlés. Il déboucha sur la plaine, horrible spectacle de confusion et de haine mêlés. Partout, des armures rougies par le reflet du feu, des épées torturées par la collision du métal sur le métal, des chevaux écumant et hennissant, et finalement des créatures qui semblaient, dans leur danse martiale, faire un avec les flammes.

Les Êtres sombres. Ils étaient des centaines à glapir, ramenant en arrière le temps et reproduisant, de leur regard de braise, le crépuscule éteint par la lune. Guilhem en avait rencontré autrefois, mais c’était à l’heure où ils étaient des brigands peu organisés, où ils ressemblaient à des humains torturés : cette nuit-là, c’était l’enfer tout entier qui semblait avoir immigré sur terre, jetant à sa surface toutes ses âmes cataclysmiques.
― Les damnés s’entretuent? se demanda Guilhem. Et moi alors?
Le jeune être se jeta dans la mêlée, cherchant, main sur la tempe pour s’éviter la chaleur des tentes en combustion, un adversaire ou un compagnon d’armes. Mais à mesure que Guilhem s’enfonçait dans la forêt de lambeaux et de cadavres, les cris s’amenuisaient et s’éloignaient. Bientôt, l’obscurité, enhardie par les colonnes de fumée, redevint maîtresse des lieux, pesant sur les incendies en agonie.
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MessagePosté le: 07 Fév 3:12    Sujet du message: Répondre en citant

À quelques mètres de Guilhem, un Être sombre aux cornes de bélier et à l’immense corps finissait d’égorger un des volontaires de Ragnärès. La créature infernale entendit le semi-humain approcher entre un halètement et un gargouillis de sang. Sans se tourner pour voir qui était son interlocuteur, il dit :
― Que fais-tu encore ici? Le reste de la troupe humaine risque d’arriver sous peu. Je vous ai dit que je vous rejoindrais.
Guilhem leva les yeux au ciel. En effet, c’était l’aube et les Humains, en route pour le rendez-vous et attirés par la fumée, ne mettraient pas de temps à se montrer.
― C’est bon. Je termine celui-là et je te suis, continua le guerrier obscur.
L’autre continua à s’approcher silencieusement, poussé par une étrange curiosité. Devant les effusions de sang, il ne ressentait ni dégoût ni révolte : et cette indifférence, troublante, le poussait à en voir plus, au minimum pour faire ressurgir en lui quelque trace d’émotion forte. L’Être sombre, satisfait de sa besogne, se releva et fit volte-face. Il aperçut, dans les brumes, la silhouette peu familière de l’observateur, et sursauta, cherchant sa hache – en vain, elle traînait dans le crâne d’une de ses victimes, plus loin.
― Un hybride ici? fit-il, finalement soulagé. Nos deux peuples sont en trêve, petit. Je ne tiens pas à déclencher la fureur de tes semblables. Alors quitte cet endroit avant que je t’étripe.
Guilhem ne bougea pas. Le malabar pointa, de son index griffu, des collines, révélées peu à peu par le vent, qui chassait temporairement le rideau de fog matinal.
― La plaine qui s’étend d’ici à vos hautes terres nous appartient maintenant. Tu diras ça à tes semblables.
Puis il se perdit dans le champ, en direction de sa savane. Guilhem regarda vers les montagnes qu’il n’avait pas remarquées la veille. Fortes en falaises, les premiers monts étaient couverts d’arbres et les sommets au dos rond, invitants, se succédaient jusqu’à quelques pics que le minuscule soleil n’avait pas encore réveillés. Qu’était ce domaine dont parlait l’Être sombre? Qui étaient ces semblables? Guilhem s’était lui-même considéré comme un humain malformé, marginal. Si un ennemi s’était conduit de la sorte avec lui, se pouvait-il qu’il fût tout autre chose qu’une imitation médiocre d’homme perverti?

Il ne put pas continuer plus loin sa réflexion. Une jeune femme à l’armure salie par les cendres et déchirée par des crocs tituba vers lui en s’appuyant sur une lance brisée.
― Guilhem! cria-elle. Tu es encore vivant…
C’était Aracy.
― Sparda a traversé les lignes pour avertir les autres compagnies, mais ce sera inutile maintenant, déclara-t-elle avant de toussoter.
― Nous sommes les seuls survivants? demanda Guilhem.
Aracy aperçut le corps charcuté d’un des chevaliers de Ragnärès et eut un hoquet de répulsion. L’hybride, dépité de ne pouvoir ressentir la même horreur, se renfrogna. La jeune femme essaya d’oublier le massacre et dévisagea Guilhem.
― Écoute, dit-elle, je ne doute pas de ta loyauté, mais les généraux humains, en voyant que tu n’as pas pris une égratignure durant le combat, auront de sérieux doutes. Déjà que…
Guilhem comprit qu’elle parlait de sa laideur qui l’apparentait, même selon les Êtres sombres, à quelque chose d’autre qu’un humain.
― On risque en effet de me prendre pour un traître, répliqua Guilhem sur un ton neutre en pensant à l’ennemi qui l’avait épargné. J’ai saisi. Je pars. Merci pour tout.
― Que vas-tu faire pour Ragnarès? Tu es l’héritier.
― Je sais. Un jour, quand je serai moins faible, je reviendrai prendre mon dû.
Aracy acquiesça, néanmoins dérangée par le calme de son compagnon d’armes. Guilhem, pour la rassurer, lui offrit un sachet de pommade. Ensuite, il ramassa un bâton de marche à moitié carbonisé, salua Aracy et se dirigea lentement vers l’Ouest.
― Je vais dans les montagnes, dit-il sans se retourner. Si tu me cherches, appelle.
La jeune guerrière le regarda disparaître entre les épis de blé pourris. Elle jeta un coup d’œil à la pommade.

C’était un baume à la marguerite.


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MessagePosté le: 16 Fév 20:22    Sujet du message: Répondre en citant

Le changement

La plaine, au fil de la marche, finit graduellement par s’éteindre, troublée dans son uniformité d’abord par quelques buttes, puis par de petits vallons. Enfin, après quelques heures d’errance, une pente brusque se dressa devant Guilhem. Quelques sapins odorants gardaient l’entrée d’un sentier rocheux qui s’enfonçait dans la l’ombre d’un mont fier, sur lequel un genre de menhir surveillait l’horizon plat.

L’hybride commença son ascension sans broncher. Il lui semblait qu’avec l’altitude, le soleil devenait plus vif, plus clair, et l’air moins cruellement rempli de cette humidité suffocante, qui, à terre, polluait les poumons. La froide boue, omniprésente plus bas, disparaissait aussi graduellement : ses dernières traces séchaient sur les bottes de Guilhem et tombaient à mesure, salissant les pierres et les racines qui sortaient du sol.

Le jeune hybride parvint avec une rapidité étonnante en haut de la montagne et s’adossa au menhir, qui était décidément plus grand qu’il ne paraissait vu d’en bas. Dégustant l’air frais, il examina la plaine qu’il venait de laisser. Plongée dans la brume, il semblait en expirer un bruit de chaos fait de rugissements de bétail confondus dans le chant des craquements de branches et d’une lente brise qui n’arrivait pas, dépressive, à chasser les bas nuages. Guilhem, apaisé d’avoir quitté ce monde opaque de feuilles mortes et de tiges de blé décapitées, contourna le menhir pour voir ce qui l’attendait de l’autre côté.

Il fut aussitôt abasourdi par le spectacle des collines verdoyantes qui s’étendaient à l’infini vers le sud, encastrées entre deux remparts infranchissables de montagnes au sommet enneigé. Dans les vallées, il put voir quelques hameaux paisibles, révélés par le fumet des cheminées des chaumières et par le cri (Guilhem se les imaginait-il, ou le son lui parvenait-il vraiment?) des animaux de bassecour. Sur le versant des collines, quelques petites activités agricoles : au plus creux, protégés du froid et du vent, quelques oliviers rachitiques ; plus haut, de grands vergers dont les pommiers étaient chargés de fruits, si bien que Guilhem pouvait les apercevoir descendre en grappes même à partir de son promontoir; puis quelques potagers, et finalement des forêts, d’immenses forêts montagnardes d’où s’élevaient de nobles épinettes, droits comme des rois en parade et silencieux comme des moines.

Guilhem tourna son regard vers le nord : il vit une forteresse de roc, un véritable bastion naturel formé de falaises, d’un étroit col et de trois pics couverts de glace, qui brillaient dans le soleil, jetant sur le monde à la manière d’un prisme quelques couleurs éparses. Comme attiré par ce plateau étrange et débordant de végétation, il emprunta un sentier qui semblait y mener, et à côté duquel on avait empilé une dizaine de pierres plates : sur le plus gros rocher, qui formait un genre de table inclinée, était gravé :

" Tóï qüì ñ'à pèur dës mônstres quê pår ìgnórânçe,
Töí qúi ñè võis þâs la béãûte dãns ùñ còmbát iñùtïlé,
Tôí qúï në vëñèrë lå brãvòûrë qüé däns sès résùltáts,
Tóì qûï àççümulé dës fórtuñès þõùr tå sèúlè jóûïssånçë,
Påssë tòn chémìñ, ce þàys t'ést hõstilè.

Et toi qúï, rëgård bâs, ne t'énflãmmê pàs én vöyånt únë àrmèe vîølèr tá fémmê,
Et tôî qüi, làçhémènt, etràñglè les fâïblés dùráñt leúr sõmmeìl,
Et töi qüi, fiñàlêmeñt, tè mòquê dës ëçløþés måîs qùì n'öse lés frâpþér qüè dáns le døs,
Eh bíên füìs, çâr noús sômmes çês fáïblês, ñøùs sømmes çés fëmmês dísgràçiêês, ñóüs sömmes çés êçløpés ñês å ñõuvêàû póùr prêndré lä pläcè quì ñoüs revíênt dè dröït, et þôùr là Vëñgèáncè!

Móntes Béóñîdìz, 1 lïèüê. "
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MessagePosté le: 26 Avr 19:55    Sujet du message: Répondre en citant

Guilhem, plus paisible qu’à son habitude et charmé par les rondes collines qui menaient à la « Montagne », marcha une demie heure sans rien rencontrer. Mais bientôt, en dévalant une pente vers une vallée dans laquelle serpentait une rivière protégée par l’ombre des cèdres, il crut percevoir derrière lui un mouvement très fin, à peine plus clair que celui des pas d’un oiseau dans les feuilles mortes. Il stoppa net et dressa l’oreille. Rien. L’hybride continua son chemin, arriva à la rivière et traversa à grandes éclaboussures. Il se pencha et ramassa un peu d’eau dans ses mains : elle était tiède. Étrange, pour la saison.

Guilhem but et se redressa, tombant nez-à-nez avec une créature au teint plutôt pâle et à l’allure chétive. Il dévisagea le jeune homme quelques instants sans trop s’étonner, puis le contourna sans poser de questions. L’autre s’engagea dans le chemin derrière lui. Une heure passa. Puis l’hybride, finalement courroucé de se sentir observé, attendit de pieds ferme le garçon, qui finit par détacher sa silhouette des rochers.
― Où vas-tu? Demanda Guilhem.
― Je suis la course du soleil, répondit l’autre.
L’hybride chercha des yeux l’astre du jour. Effectivement, ils allaient dans la même direction.
― Et quand le soleil aura disparu sous l’horizon, que vas-tu faire?
― Je m’arrêterai.
Guilhem, satisfait de voir qu’on ne le suivait pas, s’apprêta à reprendre sa route. Mais il se rappela soudainement des règles de la politesse qu’on lui avait apprises à coups de bâton chez sa tante. Aussi, il s’approcha du jeune homme svelte, tendant la main.
― Je me nomme Guilhem, fils d’Iphigénie, des bois de Ragnarès. Et toi?
L’autre frémit. L’hybride remarqua ses traits allongés et harmonieux. Il ne sentit pas dans son expression la grimace du rustre et l’hostilité du vaurien.
― Sokaris, finit par dire l’être.
Il était fébrile comme une feuille dans le vent. Guilhem essaya de le rassurer, plus agressé par l’anxiété de sa nouvelle connaissance que sympathique.
― Faisons route ensemble. À la tombée de la nuit, nous serons à la Montagne…
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MessagePosté le: 09 Mai 4:30    Sujet du message: Répondre en citant

En chemin, les deux nouveaux compagnons, peu loquaces, ne discutèrent pas; Sokaris fredonna un chant de chez lui, dont Guilhem ne put, à grand regret, discerner l’esthétisme. Il se contenta de synchroniser ses pas au rythme de la mélodie, dépité.

La plus haute des cimes de la chaîne de montagnes, qui émergeait des collines comme l’apex d’un diadème, semblait encore loin quand le soleil disparut derrière elle, jetant l’obscurité sur le chemin des voyageurs.
― Par Garn, dans peu de temps on y verra plus rien, observa Guilhem en cherchant Sokaris des yeux.
Mais ce dernier avait disparu. Apparemment, il s’en était tenu à sa première affirmation et s’était arrêté immédiatement après le coucher du soleil. L’hybride sentit un peu de déception l’atteindre. (Ou c’était peut-être la fatigue.) Peu importe, se dit-il; ils se reverraient probablement. Haussant les épaules et saluant dans le vide, devinant que la mystérieuse créature l’épiait peut-être, il reprit sa route. Au loin, un halo de fumée s’élevait du flanc sud de la Montagne; plus Guilhem et la nuit avançaient, plus une lueur rouge et dansante imposait son scintillement, teintant de mauve les pierres et les arbres voisins.

Au beau milieu de la nuit et éclairé par l’astre nocturne, qui rendait presque phosphorescents les petits cailloux blancs qui jonchaient le sol du sentier, le jeune aventurier finit par arriver au pied de la Montagne. Il entendait maintenant, perçant le chant des grenouilles noctambules, les grands rires et les voix de plusieurs dizaines d’individus. Qui étaient-ils? se demandait Guilhem. Lui feraient-ils bon accueil, ou serait-il condamné à vivre en éternel paria, rejeté par les hommes à cause de sa difformité, et refusé chez les marginaux parce que légalement un être humain? Fébrile, l’hybride grimpa sur la paroi de roc piquée d’épinettes tordus. Tirant vers lui les petits arbres, il put gravir avec une facilité qui l’étonna la pente raide jusqu’au plateau. S’y hissant d’un effort grandiose, il mit la main sur le rebord du terrain… Il sentit entre ses doigts une herbe douce, humide et tiède. À l’ordinaire peu émotif, il ne manqua pas de voir passer à l’intérieur de lui quelques couleurs, accompagnées d’une sensation de bien-être. Il se coucha sur le dos, dans le gazon, et contempla un cours instant les étoiles découvertes, comme pour la première fois. Il essaya de se remémorer, sans trop de succès, la dernière fois qu’il avait pu assister à un tel spectacle : mais il semblait bien que les basses-terres étaient toujours plongées dans ce fog jaunâtre, dans cette émanation de blés pourris et de sang qui tenait dans la pudicité absolue le ciel du soir.

Guilhem se releva d’un bond. Une grosse créature venait de s’effondrer à côté de lui, bavant généreusement sur le plancher de verdure. En voyant qu’elle avait troublé le nouvel arrivant, la créature se remit péniblement sur pieds. L’hybride constata qu’elle tenait une jarre de vin dans une main et un morceau de viande rouge dans l’autre.
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MessagePosté le: 14 Mai 21:18    Sujet du message: Répondre en citant

Conclusion

― Salut, mon brave, dit la créature. Qu’est-ce qu’un humain fait ici à une heure pareille? Tu as peut-être envie de participer à notre repas?
Une autre créature, un peu plus grande encore, arriva, armée d’un flambeau. Les visages s’illuminèrent.
― Qui est-ce, Turak? demanda le nouveau venu.
― Un Hum…
La peau de Guilhem rougeoyait sous le feu de la torche. Ses oreilles contrastaient avec le reste de sa silhouette, presque sans trouble.
― Je ne t’ai jamais vu dans les collines, frère, dit le porteur de flambeau à Guilhem en se rendant compte de sa bévue. Tu ressemble un peu à Jana, le maréchal-ferrant du village, dans la vallée. Tu es son fils?
― Je suis Guilhem, fils d’Iphigénie, des bois de Ragnärès.
Le premier, tendant son morceau de viande au jeune hybride, sourit.
― Tu vois Bozzer, on vient maintenant de loin pour rejoindre la Montagne.
Puis, s’adressant à Guilhem :
― Je suis Turak, Béonide de la Montagne. Et voici Bozzer, de la Montagne. Bienvenue.

Bozzer et Turak, individus de taille passablement impressionnante, guidèrent Guilhem vers les lueurs que le voyageur avait aperçues, quelques heures plus tôt, de loin. Ensemble, ils débouchèrent sur une vaste place de rochers et d’herbes folles. Des dizaines de grottes naturelles avaient été creusées par les flots d’anciennes cascades asséchées, qui étaient apparemment descendues des hauteurs avec la lente fonte du glacier. Au centre de cette place, une cinquantaine de guerriers, d’apparence très disparate mais habituellement de couleur verdâtre et puissamment musclés, mangeaient et se réjouissaient bruyamment. Turak invita Guilhem à s’asseoir sur un rocher, près des autres créatures qu’il appelait ses « frères béonides », et repartit s’occuper de cuisine. Bozzer s’assit à côté de lui et remarqua un objet briller sous la tunique du jeune hybride.
― Tu as la cuiller de cristal… Tu es donc alchimiste?
― C’était à ma mère.
― Tu as certainement retiré quelque connaissance de ses expériences.
Guilhem lui fit brièvement un résumé de ses compétences. Bozzer eut l’air intéressé. Mais au moment de faire une importante suggestion, il tourna la tête vers un rocher plus grand que les autres : un Béonide plutôt âgé et d’apparence noble, malgré sa physionomie repoussante, y était monté et appelait au silence. Bozzer souffla à Guilhem :
― C’est Elrond, ancien humain qui a subi une transformation après, selon certains, avoir bu du sang d’une Sombre Créature. Mais ce n’est qu’une légende.
Le vieux Béonide, voyant qu’il avait capté l’attention, prit finalement la parole.
Mês frères, ïl y å dê çelå trés loñgtêmps, ûñ gråñd mägë çhãssë dú mõndê dês Hümáîñs s'est þerdü dáñs cès Möñtågnés pòur mêttré ä l'abrî de lä memé lóì qúí â fãît de ñøüs des þãríás. Lës cöllïnes ëtaíeñt älors hôstïlès, fróìdës èt ìnhäbîteês. Maîs lë gráñd ã fãít þòüssér lès þläñtês, ã ättìrë lés öíseãüx, ã réveîllè lê çœûr dès vølçâns, pôur qûe Ráîdëpêñtë - c'ést uñe dës äñcíêññés ãþpêllàtíóñs dè cet êñdröít, vóús lè sãvez - þûísse åçcúeîllír les ésçläves eñ fûîtê, lês fõús, lés märgïñaùx êt lês möñstres ãvéc åütrë chòsè qúê lê vêñt êt lé sãblë qüì péüplent lé reste de lá Cørdîllêre d'Iksèmë. Lê grãnd , døñt öñ ígñørë lé ñöm…
Un Béonide à l’aspect effrayant dit « Spike » et tout le monde éclata de rire. L’intéressé donna une baffe à la créature.
― Tais-toi, Ariès, dit-il.
Elrond haussa le ton pour poursuivre.
― Le grãñd dòñt öñ îgñórë le nõm ñ'ãurâìt þàs vóúlú qüè çè dómãìñë ñë dèvîeññë l'äñtre dé simþlès brîgåñds. Sóùvèñõñs-ñóús dé lä sãgèssê qüí habîtè çës lieüx ët bättôñs-ñøús åvec hóñnêúr þóûr y çøñserver nötrë plâcë.
Le vieux Béonide termina son discours dans un tonnerre d’applaudissements. Il descendit du rocher et fut aussitôt remplacé par un autre colosse vert, qui reçut un accueil enthousiaste.
― Tristan, souffla Bozzer.
La voix puissante de l’orateur remplit la place.
― Frères Béonides, voilà déjà un mois que nous avons cassé l’alliance avec les Hommes. Ce moment fut mémorable, et grâce à nos relations avec eux, nous avons pu faire libérer une centaine de Béonides enfermés pour des raisons raciales. Amis, nos rangs grossissent chaque jour et notre peuple devient un levier important entre les civilisations de ce monde! Bientôt, plus personne ne pourra prétendre que nous ne sommes qu’une sous-race.

Tristan descendit du rocher et fut remplacé par un autre orateur, qui fut remplacé par un autre, ainsi de suite. Guilhem, entraîné dans ce torrent d’acclamations, de chansons et de déclarations, suivit la fête toute la nuit sans trop avoir le temps de digérer les évènements. Le lendemain matin, alors que le soleil était déjà haut, les Béonides commencèrent à se réveiller, affublés de solides gueules de bois. Guilhem, reconstituant graduellement en tête les évènements, vit une à une les têtes de ses nouveaux compères se lever. Il reconnut en premier lieu Karasu, un membre influent qu’on lui avait présenté plus tôt, qui se leva sans rien dire; d’une loyauté sans faille, on redoutait cependant ses colères jusqu’au fond des terres troublées de Gosroth. Guilhem vit ensuite se lever Lusyanka, la guerrière béonide à la main de fer; puis Karkachi et Kobalt, deux créature vraiment étranges, et dont l’union était si puissante que les mères des familles de l’Ouest annonçaient la venue du duo aux enfants qui refusaient de se laver les mains; puis il vit Saladin, dresseur à l’humour décapant, finir son petit-déjeuner, puis Rhalph, grand et impétueux…

Bozzer, couché dans les cendres d’un feu de camp, se réveilla finalement, le visage et les oreilles complètement grises de poussière. Quand il aperçut Guilhem flâner entre les restes du barbeuk de la veille, il l’apostropha.
― Salut, ami, dit-il. J’imagine que tu apprécierais qu’on te trouve un logement convenable.
Elrond passa à ce moment, une carcasse de loup sur le dos; il s’était levé aux petites heures pour chasser.
― Lâ grótte dê Kìnêas èst vìdê dêpuís mòrt á la bàtâîlle dê Miräböürg, dit-il. C'était ùn âmãtèùr dë lïvrës. Peùt-ètre qüé cà póùrräit ïntéressèr lé jéüné Gûìlhèm?
L’hybride acquiesça. Maintenant qu’on l’accueillait comme un membre de la famille, il n’était pas question de se plaindre. Bozzer mit sa main sur l’épaule de celui qui avait accepté, au cours de la nuit, d’être son apprenti.
― Bientôt, je t’amènerai à la Guilde d’Alchimie, où se réunissent les plus grands scientifiques du pays. Et ensuite, nous participerons au siège de la forteresse qui s’élève au centre de la région d’Hammersel et qui est tenue par le régiment du Duc de Clarence. Tu apprendras ce que c’est qu’être un Béonide.
― Mais j’apprends déjà beaucoup, répliqua Guilhem, songeur.

Le vent se leva et siffla dans les pics rocheux, soulevant, en altitude, un nuage de neige poudreuse. L’automne serait très froid. Dans les plaines, on fêterait bientôt la fin des récoltes. Des tiges de blé seraient tressées et accrochées partout sur les remparts des villes, les hymnes à la gloire de Thor seraient chantés dans les temples, les oracles psalmodieraient pour un hiver doux.

À la Montagne, dans les villages béonides des environs ou sur le plateau, on fêterait aussi : le temps était bon, la chasse aussi, et Garyth, favorable à ses fils et filles, abreuvait par trombes d’eau glaciale les arbres fruitiers qui gorgeaient leurs branches d’aliments sucrés.

La vie sera douce, se dit Guilhem avant de chasser les souvenirs qu’il conservait des plaines boueuses de Ragnärès.
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